L'on dit et écrit ce qu'on ne
sait pas, et en le disant et écrivant, on voit que ce sont des choses
auxquelles on n'avait jamais pensé.
C'est comme une personne qui
possède dans son fond un trésor inépuisable, sans qu'elle pense jamais à sa
possession, elle ne sait point ses richesses et elle ne les regarde jamais,
mais elle trouve dans ce fond tout ce qu'il lui faut quand elle en a à faire,
le passé, le présent et l'avenir - tout est là en manière de moment présent et
éternel, non point comme prophétie qui regarde l'avenir comme chose à venir,
mais voyant tout dans le présent éternel en Dieu même, sans savoir comment elle
le voit et connaît, ou bien souvent ignorant même si elle voit ou connaît.
Une certaine fidélité à dire les
choses sans retour, sans songer si c'est de l'avenir ou du présent qu'on parle,
sans se mettre en peine qu'elles s'accomplissent ou non, d'une manière ou d'une
autre : si elles ont une interprétation ou une autre.
C'est de ce fond ainsi perdu que
sortent les miracles, c'est le Verbe lui-même qui opère ce qu'il dit, dixit et facta sunt sans que l'âme propre
sache ce qu'elle dit ou écrit. En les écrivant ou disant, elle est éclairée avec
certitude que c'est la parole de vérité, qui aura son effet. Cela est-il fait, qu'elle
n'y pense plus, et n'y prend non plus de part que s'il était dit ou écrit par un
autre. C'est ce que Notre-Seigneur a dit dans son Évangile, que : l'homme tire du bon trésor de son cœur les choses
anciennes et nouvelles. Depuis que notre trésor est Dieu même, et que notre
cœur et notre volonté est toute sans réserve passée en lui, c'est là où l'on trouve
un trésor qui ne s'épuise jamais, plus on en distribue, plus on est riche.
Madame Guyon, La Vie par elle-même, édition critique par
D. Tronc, Honoré Champion, 2001, pp. 425-426
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