Le temps, c'est le changement.
Or, nul changement n'advient en dehors de l'intemporel présent que l'on peut appeler "conscience". Donc, tout passe en la conscience qui ne passe pas. Elle est le Présent absolu en qui le devenir - passé, présent et avenir - s'écoule comme un fleuve de nectar. La Source du changement est le "quatrième" aspect de la créativité de la conscience, au-delà des trois aspects du temps.
Abhinavagupta, dans ses stances augurales à ses commentaires au premier chapitre de la seconde partie des Stances pour la Reconnaissance (Pratyabhijnâkârikâ), qui traite justement du temps, décrit ceci en deux métaphores : le fleuve et l'amante.
Héraclite disait : "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". Cratyle ajoutait : "Pas même une fois !" C'est vrai. Mais seulement s'il y a un référentiel immuable : la conscience, Lumière sans ténèbres.
Dieu est le lit du fleuve du devenir, et le fleuve lui-même. La Déesse sont les vagues au mille reflets de feu, ornement de l'eau à la fois vivante et paisible.
Dieu est le spectateur et le corps sur lequel vient jouer la Déesse, tels deux danseurs.
Puisse l'époux de la Clarté
élucider pleinement le Vrai en sa transcendance,
car c'est lui qui révèle la Clarté, la suprême rivière,
- l'action -,
lui qui est (à la fois) le lit (du fleuve) traversé par
les nombreuses vagues des choses et des êtres,
ondes qui vont et viennent entre les deux rives
du sujet et de l'objet,
et le fleuve profond et large
qui est le miroir de son Soi,
fleuve enflammé par la délectation
de ses propres Puissances ! 1
Nous célébrons ce Shiva
sur qui se repose
sa très chère amante, la Puissance d'action,
pour donner à voir le spectacle
de ses jeux merveilleux ! 2
Abhinavagupta, Petite méditation, II, 1
Je m'abandonne à Shiva
au corps immortel qui,
bien que dépourvu de tout devenir,
manifeste des devenirs multiples,
lui qui est doté d'une immortelle créativité
faite d'un nectar doué de trois aspects
et d'un quatrième ! 1
Abhinavagupta, Grande méditation, II, 1
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