La matière est-elle la Source ? Mais quelle est la source de la matière ? Et comment une chose privée de conscience peut-elle créer de la conscience ? Comment même une chose inerte pourrait-elle être cause de quoi que ce soit ?
Rien n'apparaît sans conscience, en dehors de la conscience, sans un acte de conscience.
La conscience est donc la Source, et non pas les atomes, ni aucune sorte d'énergie privée de conscience, ni l'ignorance, ni une illusion cosmique, ni la volonté d'un Dieu imaginé comme une sorte d'architecte, ni le karma.
Seulement la conscience, émerveillement incompréhensible, étonnement d'être, ébullition intérieure, désir gratuit qui grandit sans cesse, explosion de toute-possibilité.
C'est ce que dit Abhinavagupta dans ses deux stances augurales à ses deux commentaires aux Stances pour la Reconnaissance (Pratyabhijnâkârikâ) :
Nous célébrons ce Shiva,
créateur qui fait apparaître les choses
- tableau merveilleux
des causes et des effets
dans le miroir immaculé
de son propre Soi ! 1
Abhinavagupta, Petite méditation, II, 4
Je me souviens de Dieu
au corps immortel d'ambroisie,
Cause des causes,
flot de conscience sans corps !
Je me souviens que je suis Dieu :
ma forme est l'univers
créé par mes trois Puissances,
grâce à mon énergie créatrice
dont la vérité ultime est
l'unité. 1
Abhinavgupta, Grande méditation, II, 4
La conscience est à l'origine de tout, puisqu'elle est, et pourtant elle n'est pas à l'origine ni à la fin. Elle est "avant" l'origine, ou la fin, car elle est atemporelle. Les implications sont prodigieuses : il n'y a pas d'histoire, pas de théorie de l'évolution expliquant la conscience autre qu'imaginaire, aussi imaginaire que le temps. La conscience est déjà là, assistant à une théorie de son origine, théorie fantasmagorique. Ce qui explique aussi l'intérêt pour l'histoire, qui n'est autre que l'intérêt que la conscience se porte à elle-même, reflet dans un miroir où elle se mire. En effet, la conscience était déjà là, en ce temps-là, puisqu'atemporelle. Elle a vu tous ces événements depuis leur débuts imaginaires, et leurs traces historiques ne sont qu'imagination, comme elle voit déjà tous les événements futurs, déjà imaginaires. Passés ou futurs, ils ne sont pas autres que des histoires en train déjà de se défaire, déjà mort nées. La conscience ne peut voir que des illusions irréelles, puisqu'elle seule est réelle. De plus, toutes les théories à propos de son origine sont valables, ou toutes fausses, étant aussi imaginaires que leurs preuves et leurs interprétations. Merveilleux roman qui ne raconte rien !!
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