vendredi 24 juillet 2020

La méditation de Shiva dans la Bhagavad Gîtâ

A chola bronze figure of krishna | Olympia Auctions
Krishna / Kâlî, bronze Chola

Le Chant du Bienheureux ou Bhagavad Gîtâ est le livre le plus célèbre de l'hindouisme.
Le shivaïsme du Cachemire en propose une interprétation ésotérique.

Selon Mahesvarânanda, Krishna est Kâlî, c'est-à-dire la conscience universelle envisagée comme Temps. Le Temps est le pouvoir suprême selon le Mahâbhârata, dans lequel s'inscrit l'enseignement de la Bhagavad Gîtâ.

Krishna est Kâlî, la conscience comme Temps qui, simultanément, engendre tout et engloutit tout. Elle est la conscience en tant que vie, qui crée et qui détruit à chaque instant. De même que Krishna a ses 16 000 bergères, la conscience est douée de 16 000 énergies qui sont les différentes facettes de notre existence.

Si je reconnais la source de ces pouvoirs, je suis libre. Si je la méconnais, je suis prisonnier de ces mêmes énergies.

Dans ce cadre, la pratique principale est la méditation de Shiva, que j'ai évoquée ici à de nombreuses reprises et que j'expose plus en détail dans les Quatre yogas et l'Anthologie du shivaïsme du Cachemire, qui viennent de paraître chez Almora.

Dès lors, il est logique de retrouver cette pratique dans la Bhagavad Gîtâ. Par exemple ici, dans ce passage très célèbre où Krishna/Kâlî se révèle à Arjuna dans sa forme divine. Mais seul le divin peut voir le divin. Krishna a donc d'abord fait grâce à Arjuna de la vision divine (XI, 8). Or, cette vision divine n'est autre que la vision de Shiva, le geste de Bhairava qui définit la méditation de Shiva (shiva-mudrâ, shâmbhavî, etc.), décrite dans ces versets (XI, 23, 24) :

rūpaṃ mahat te bahuvaktranetraṃ
mahābāho bahubāhūrupādam /
bahūdaraṃ bahudaṃṣṭrākarālaṃ

dṛṣṭvā lokāḥ pravyathitās tathāham //

nabhaḥspṛśaṃ dīptam anekavarṇaṃ 
vyāttānanaṃ dīptaviśālanetram /
dṛṣṭvā hi tvāṃ pravyathitāntarātmā dhṛtiṃ na vindāmi śamaṃ ca viṣṇo //


"Je (contemple) ta forme immense" : l'espace.
"... aux nombreux visages et yeux" : l'expérience de reconnaître l'unique conscience en amont de tous les visages et de tous les regards.
"Toi, aux bras immenses" : l'expérience de l'immensité des bras qui s'étalent dans l'espace.
"Toi, aux multiples bras, genoux, pieds, aux nombreux ventres" : une seule conscience en amont de tous les corps.
"Te voyant, les mondes tremblent, et moi aussi" : le bavardage intérieur cesse, le Moi s'ouvre, entre en expansion par la puissance de la vibration.
"Tu sens l'espace, enflammé, aux multiples couleurs" : l'espace se rempli de teintes, de lumières pulsantes. Le corps s'ouvre et se répand dans l'espace, comme une lampe à travers les ouvertures d'un vase.
"Ton visage est illuminé" : la sensation de rayonner dans l'espace.
"Ton regard, vaste, s'allume" : le "troisième oeil" s'ouvre, le regard se réveille à soi.
"T'ayant vu, je tremble en moi-même, incapable de trouver un support stable, ni aucun repos" : l'attention ne trouve plus de référence dans l'espace, elle se noie en lui, comme la vague en l'océan.

Et ainsi de suite. Ce chapitre est une évocation de cette pratique "cachée dans tous les tantras". De même, la Bhagavad Gîtâ est l'enseignement du tantrisme non-dualiste, mais à travers des symboles et de manière détournée.

Il existe, à ma connaissance, au moins deux commentaires à la Gîtâ composés par des adeptes du shivaïsme du Cachemire. Ils restent à traduire. Mais surtout, il reste encore à proposer une interprétation de toute la Bhagavad Gîtâ dans la perspective ésotérique du shivaïsme du Cachemire.






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