Tous les non-dualistes s'accordent à dire que notre vraie nature - notre Soi - est conscience.
Mais ils différent sur ce qu'est cette conscience.
Tous affirment que la conscience n'est pas une chose, qu'elle manifeste les choses sans être limitée à aucune chose. Il y a donc une asymétrie entre la conscience est les choses : toute chose est conscience, mais la conscience n'est pas une chose.
Pour désigner le fait que la conscience n'est jamais réduite à une chose, mais est toujours conscience de cette chose, les philosophes non-dualistes parlent de conscience-témoin.
Mais selon le tantra non-duel et des philosophes comme Abhinavagupta, cette compréhension est limitée.
Pour le comprendre, il faut revenir à la notion d'ignorance ou d'aveuglement, clef de toutes les philosophies non-dualistes. Pour le tantra non-duel, il y a deux sortes, deux moments de l'ignorance : 1) Dans le premier, le Soi se prend pour un Autre, privé de conscience. 2) Et, sur la base de cet aveuglement, le Soi prend une partie de cet Autre pour lui-même. Il s'identifie au corps, aux sensations, aux pensées, au néant.
Autrement dit, la conscience commence par se prendre pour une entité inconsciente, une sorte d'espace neutre. Puis, au sein de cet espace, elle se manifeste comme choses diverses, tout en s'identifiant aux unes, et en considérant les autres comme autres qu'elle et étrangères à elle.
Donc 1) le Soi se nie, nie sa plénitude. 2 ) Puis, au sein de cette négation, de cette inconscience, il conçoit une opposition entre le soi et l'autre, entre le corps et les autres objets du monde.
Or, les philosophies non-dualistes autres que le tantra non-duel ne corrigent que la seconde erreur. Et négligent la première.
Autrement dit, ils disent qu'il ne faut plus s'identifier au corps, aux sensations, aux, pensées. Et qu'il faut reconnaître la conscience qui demeure alors, la conscience pure non-objectivée, la conscience-témoin, comme étant notre vraie nature parfaite.
Mais du coups, on reste enfermé dans un certain dualisme, celui de la conscience pure face au monde, imaginés désormais comme des entités mortes qui flottent dans la conscience comme des astéroïdes dans le vide glacé de l'espace. Les pensées, les sensations, les autres, tout ce qui fait l'individualité, tout cela est imaginé comme autant de fantômes projetés sur le ciel de la conscience immuable. En d'autre termes, il y a quelque chose d'inabouti dans cette réalisation : tout n'est que choses dans le vide conscient. Mais quel est la relation entre ce vide et ces choses ? Voilà la question à laquelle la plupart des non-dualismes ne répondent pas.
Et de ce fait, ils proposent souvent une vision du monde mécaniste, froide, sèche, impersonnelle, assez proche du matérialisme au fond. Tout est imaginé, tout n'est que croyances, tout n'est que constructions. Mais d'où viennent ce croyances ? Ont-elles un sens ? Le non-dualiste de cette école répondra : de l'aveuglement. Soit. Mais d'où vient cet aveuglement ?
La plupart des philosophies non-dualistes remplacent le dualisme corps-monde par le dualisme conscience-objets. Et c'est encore vrai de nos jours.
Abhinavagupta, au Xe siècle, disait déjà :
"Dans les enseignements comme le Sâmkhya et autres (philosophies partiellement vraies), on réalise que la seconde (étape de la) confusion - projeter le Soi sur ce qui n'est pas le Soi - peut et doit être abandonnée. Mais (on ne dit) rien de la première (étape de la confusion). Or, cette seonde confusion est contenue dans la première (étape de la) confusion."
Grande méditation, III, p. 169
La non-dualité, c'est donc réaliser que tout est conscience, tout est moi. Il ne s'agit pas de supprimer le moi, mais de l'élargir à l'infini. La vague ne disparaît pas. Elle reconnait son unité avec l'océan. La conscience s'aveugle elle-même. C'est vrai. mais d'où vient cet aveuglement ? De la conscience elle-même, de son absolue liberté. C'est une différence immense ! Tout est embrassé dans la conscience. Tout est relié à elle, fondé en elle, trouve en elle "le mouvement, l'être et la vie". Les choses ne sont pas des trucs. Des machins. Où, s'il y a des machins, ce sont des manifestations de la conscience. La conscience est l'âme des machins. Tout a une âme ! Quel vaste immensité s'ouvre alors !
Mais il est vrai que, pour cela, il est possible de passer par l'étape de la conscience-témoin, de la conscience pure, abstraite de toute chose. La plupart des traditions passent par là, bien que ce ne soit pas indispensable. Et que cela ne suffise pas.
On peut aussi, tout simplement, se laisser aller dans le ressenti du cœur, se laisser guider par lui, sans trop se soucier du reste...
Une question demeure : pourquoi l'aveuglement a-t-il lieu ? Qu'est-ce qui le provoque et pourquoi la conscience semble-t-elle avoir besoin de cet aveuglement pour ensuite se reconnaître ?
RépondreSupprimerIl serait peut être bien ennuyeux d'être et uniquement être...tout le temps .... (d'ailleurs pas de temps, ni d'espace), tout savoir, être omniprésent, etc.... Pourquoi pas s'amuser un peu à s'oublier et redécouvrir avec délice (certes après un oubli très long) ce qu'est l'Unité.
RépondreSupprimerOu alors, autre piste, peut-être s'oublie-t-elle en permanence, puisqu'elle est Tout... Elle créée l'oublie pour se rappeler. Elle s'oublie et se rappelle en permanence.
se laisser guider par le Coeur...Précieux :)
RépondreSupprimer