Bouddha gaulois du Pakistan, avec un air chinois et des angelots. Si si, regardez bien...
Les Bouddhistes sont souvent psychotiques.
Mais ne le prenez pas personnellement, hein !
Je veux dire simplement ceci : l'enseignement du Bouddha est simple. Il constate un mal-être et propose une voie de guérison. 1) Nous sommes mal parce que nous nous identifions à ce que nous ne sommes pas. Mais 2) Nous pouvons être heureux, parce que cette identité malheureuse (!) n'est qu'une illusion. Ce que nous sommes vraiment est bienheureuse, à jamais.
Il y a donc deux facettes dans le dharma (le message) du Bouddha, deux remèdes qui sont les deux faces d'une même thérapie : le non-Soi et le Soi.
1) Le non-Soi est la déconstruction de l'illusion : nous ne sommes pas ce que nous croyons être, nous ne sommes pas le corps, le monde n'est pas solide, étranger, étrange, un peu absurde, incompréhensible.
2) Le Soi est la révélation de notre vraie nature : la guérison.
Malheureusement, la plupart des bouddhistes ne le comprennent pas. Ils croient que la thérapie du Bouddha ne consiste que dans le non-Soi et ils se ferment comme des huîtres dès qu'ils entendent le mot "Soi".
L'enseignement du non-Soi consiste à pointer l'absence de Soi, de substance, d'âme, d'essence, d'identité, dans les corps et les choses. Ce n'est certes pas inutile ! On prend ainsi ses distances par rapport à la vision ordinaire, qui veut nous réduire à des machines très compliquées.
Mais ce n'est pas tout ! La thérapie n'est pas finie. Après avoir ainsi nié le faux Soi, reste à révéler le vrai Soi. Et cela, la plupart des bouddhistes ne veulent pas en entendre parler, car depuis plusieurs siècles ont leur a lavé le cerveau avec une version nihiliste du bouddhisme : "il n'y a pas de Soi, nulle part, jamais". Point final. Extinction.
Il existe pourtant des sûtras (exotériques) et des tantras (ésotériques) qui proclament haut et fort que le bonheur se trouve seulement dans la réalisation du Soi. Mais les bouddhistes nihilistes, partisans d'un bouddhisme amputé, semblent plus sourds que sourds...
Prenons un exemple. Un allemand a écrit une étude sur le Soi éternel, le Bouddha qui se trouve en chacun de nous. Très justement, il l'intitule Un Chemin directe vers le Bouddha intérieur (A Direct Path to the Buddha Within, p. 45).
Ça s'annonce bien me dis-je. Enfin une présentation claire et complète de la voie du Bouddha vers la guérison : aller vers notre Bouddha intérieur !
Il cite ceci :
"Dolpopa [un maître du véritable bouddhisme] définit ainsi [le vrai bouddhisme] :
La réalité, la perfection, est vide de tout ce qui est interdépendant et imaginaire. Le [Bouddha] a donc dit qu'elle existe absolument (paramârthatah en sanskrit). Il est donc prouvé que l'absolu est seulement vide [de toute illusion, mais non pas vide de réalité]".
Magnifique citation, limpide et sans ambiguïté. Mais las ! Notre allemand bouddhologue (bouddhiste je présume) se sent aussitôt obligé de déformer le propos. Car ce serait trop simple ! Au secours, un "Soi" ! Au secours, un truc facile à comprendre ! Aussi vite, il ajoute donc :
"L'existence "absolue" ou "véritable" ne doit pas pas être prise en un sens ontologique."
Hein, quoi ?!?
Je vous rappelle que "ontologique" veut tout simplement dire : "qui parle de l'être". Autrement dit, selon notre pieux allemand, le Bouddha ne parle pas d'existence quand il parle... d'existence. Le Bouddha, l'éveillé, l'omniscient, ne parle pas d'être quand il parle de l'être, il ne parle pas de vérité quand il parle de la vérité, ni de réalité quand il parle de la réalité ! Non, non. Car dans le bouddhisme, tout doit être compliqué, alambiqué et "oui" veut dire "non". C'est du moins le cliché qui règne. Donc "être" ne veut pas dire "être".
Et pourquoi cela ? On est impatient de l'apprendre. Attention, tenez vous bien, notre allemand cite encore Dolpopa, qui dit que :
"Le Corps absolu est libre de constructions mentales depuis toujours. Parce qu'on reconnaît qu'il est libre de construction mentales, il est réellement établi/existant".
Hum... je ne sais pas pour vous, mais moi j'ai clairement l'impression que cette citation confirme tous simplement que notre vraie nature, qui est la nature de tout et de tous, est une existence réelle, vraiment réelle, sans illusion, véridique, absolue, appelée dans d'autres enseignements du Bouddha "Soi éternel". C'est clair.
Alors comment notre brillant interprète va-t-il trouver là-dedans de quoi prouver que, quand le Bouddha parle d'existence, il ne parle pas d'existence ? Que, quand le Bouddha dit une chose, il veut en fait dire le contraire ?
Voici :
"La définition du Corps absolu, c'est-à-dire l'absolu, comme étant libre des constructions mentales, exclut l'extrême d'une existence ontologique".
Ah, mais oui. Bien sûr ! Parce qu'il y a des existences ontologiques - comprenez : des existences qui existent - et des existences non-ontologiques - qui n'existent pas.
Naturellement.
Evidemment.
Précisément.
Donc l'existence n'existe pas, surtout quand le Bouddha précise qu'elle est "absolue". Car absolu veut dire "relatif".
Mais bien sûr, que suis-je bête !
Notre génie germanique ajoute, au cas où l'on n'aurait pas compris :
"Exister réellement/vraiment" signifie plutôt que l'expérience du Corps absolu (=du Bouddha) est réellement vraie".
De "vraiment réelle" ou existante, on passe à "réellement vraie". Ce qui change tout, chacun en conviendra.
Et ça continue comme ça pendant cinq cent pages.;. Et il y a des dizaines de livres et articles de la même farine.
Je comprend mieux le pessimisme du Bouddha à la veille de sa mort. Et je comprends mieux les têtes de certains bouddhistes dans les centres du Bouddha, qui sont plutôt des lieux d'amputation du dharma. Pas étonnant que tant de gens soient déçus du bouddhisme ! Mais pas tous, certes, car des écoles, des traditions perpétuent le bouddhisme véritable, c'est-à-dire complet, non amputé de sa moitié, simple et débouchant directement sur la plénitude de notre vraie nature, absolument réelle, éternelle et riche d'infinies vertus.
Premier moitié du traitement : tout est souffrance, impermanent, sans Soi, vide de substance, conditionné.
Deuxième moitié du traitement : Le Soi, votre Bouddha intérieur, est éternel, il est le Soi, la plénitude, la guérison, la transparence, doué de richesses infinies, débordant de compassion, d'altruisme, d'intelligence.
A noter : dans la tradition platonicienne, on dit que la voie affirmative ("cataphatique" : Dieu est lumière, intelligence bonté, vie, puissance, amour, éternité...) est une préparation à la voie négative ("apophatique" : Dieu n'est pas Dieu, ni ceci, ni cela...).
Dans le dharma du Bouddha, c'est le contraire :
La voie négative prépare le chemin à la voie affirmative : la simplicité prépare à la révélation de la richesse, de même que dans le christianisme, le vide prépare à la plénitude : plus je suis vide de ce que je crois être, plus je peux être remplis de Dieu et de ce que je suis vraiment en Dieu.
Puisse la Lumière Infinie nous éclairer et nous guérir !
Les attitudes paradoxales sont malheureusement légion dans le bouddhisme (comme dans toutes les autres religions, il faut bien le dire) : adulation du Bouddha, attachement aux catégories, attachement à la langue d'origine de certains bouddhismes (japonais ou tibétains) croyance en une "philosophie du bonheur" et j'en passe.
RépondreSupprimerJ'ai 45 ans et plusieurs retraites et voyages "bouddhistes" derrière moi, et je n'ai quasiment jamais rencontré de personne sortant de ce schéma, et ce même chez certains maîtres.
Oui, il y a un maniérisme du paradoxe dans le bouddhiste.
RépondreSupprimerPour ce qui est des idolâtries, celles liées aux cultures sont couramment dénoncées. En revanche, il me semble qu'on parle rarement du cas de la doctrine du non-Soi, présentée universellement comme l'essence du bouddhisme.