lundi 9 février 2015

Qui a peur de Mâyâ ?

Krishna et Râdhâ : Krishna ne craint pas Râdhâ. A-t-il tort ?


En Inde, c'est devenu un cliché : les non-dualistes ont peur de Mâyâ, la magie des noms et des formes. Mâyâ est l'Enchanresse, l'Ensorceleuse, la Charmeuse, la Magicienne. Les non-dualistes la fuient, comme ils fuient les femmes, la vie et l'agitation, la complexité, l'insécurité, l'imprévu, le changement.

Tous les non-dualistes ? Non ! Seulement ceux (vous noterez qu'il n'y a pas beaucoup d'"elles" parmi "eux") qui fabriquent la non-dualité par exclusion de la dualité, du multiple, de Mâyâ. 
Ce sont eux qui disent, à l'instar de Vidyâranya :

"La créature et le Créateur sont
La progéniture de la vache cosmique
Nommée "mâyâ".
Buvez de cette dualité autant que vous voudrez !
Mais la vérité,
C'est la non-dualité !"

Ainsi une sorte de dualisme entache ce non-dualisme : il faudrait choisir, de gré ou de force, entre l'illusion jouissive et l'austère vérité. Voilà pourquoi aujourd'hui les partisans de la connaissance impersonnelle (jnâna) et ceux de l'amour divin personnel (bhakti) se battent encore : 

D'un côté les partisans de la non-dualité exclusive, de la connaissance sèche, de l'impersonnel, de l'être-sans-histoire, de l'au-delà de tout, du "mais non, mais non", du sans-extase-parce-que-l'extase-ça-passe...

et

De l'autre, les partisans du Dieu personnel, intime, vivant, genre Krishna ou Jésus, incarné, unique, singulier, aimant, attentionné, inconcevable à sa manière, joueur et parfois tragédien... Les personnalistes amoureux de Krishna disent : "Mieux vaux se promener dans la forêt de Krishna comme chacal, que chercher la délivrance conçue comme une absence de souffrance" sans plénitude et sans relation au divin ! Autrement dit : mieux vaut aimer Dieu qu'être Dieu. ou encore, comme disait Râmakrishna (je crois) : "Si je suis le sucre, je ne peux pas le savourer !" D'où l'importance vitale d'une certaine dualité. En aspirant à une unité simple qui exclut la dualité, les non-dualistes exclusifs aspirent au néant, au suicide spirituel, à une inconscience qui n'est que la contrepartie de leur rejet de la vie. L'horreur quoi.

Evidemment, ces deux points de vue sont extrêmes. 
Ils comportent chacun leur part de vérité.
Laquelle ? 
Mâyâ est-elle une perfide séductrice ou l'amour salvateur ?

P.S. : il va sans dire que je m'insurge et je proteste fermement contre les propos infamants de Vidyâranya à l'endroit de la vache cosmique.

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