om ah hung mahâ guru siddhi hung
Dans de nombreuses voies spirituelles, on trouve une pédagogie pour guider vers l'éveil au Réel, une pédagogie qui passe par des affirmations et des négations.
En général, on commence par la voie affirmative : des métaphores du Réel comme la Vie, la Sagesse, l'Amour, l’Éternel, la Puissance... Puis on nie tout cela : c'est la voie négative, à laquelle j'avais consacré plusieurs billets ces dernières années : là, là et là.
Le Vedânta de Shankara, le Platonisme (et toutes les mystiques fondées sur lui), le bouddhisme guéloukpa/madhyamaka prâsangika ainsi que des traditionalistes comme Guénon adoptent cette démarche. D'abord on affirme, par métaphore, puis on nie, afin de laisser à nu le Réel. Shankara cite une maxime "Les experts en la tradition disent que l'on peut parler de l'indicible en surimposant (des qualités à l'absolu), puis en les retranchant".
Mais il existe des voies où l'on suit un ordre inverse : d'abord des négations, puis des affirmations. La voie négative comme purification, puis la voie affirmative comme indication directe du réel. Le tantrisme (et toutes les voies basées sur lui), ainsi que, semble-t-il, bon nombre de voies théosophiques (soufies, hermétique, alchimiques, ésotériques) adoptent cette pédagogie.
La voie qui s'achève dans la voie négative est le non-dualisme par exclusion. La dualité est rejetée. A la fin, ne reste que l'unité, tenue pour seule réalité.
La voie qui s'achève dans l'affirmation est le non-dualisme par inclusion. La dualité est reconnue comme manifestation de l'unité, et intégrée en elle.
J'aime à parler de cette dernière approche, car elle est moins connue. D'ordinaire, on croit que le "non", "non" des Upanishads ou encore la doctrine de la vacuité par-delà être, non-être, ni "et", ni "ni, ni" du bouddhisme prâsangika est le nec plus ultra, la seule voie de la non-dualité, la voie dite "apophatique". Mais il n'en est rien.
Dans le Vedânta lui-même, ou plutôt LES vedântas, les upanishads, les approches sont variées et nuancées, plus que ne le laisse penser Shankara. On y trouve quelques affirmations de la transcendance du Réel, le fameux "non" "non", mais aussi et surtout beaucoup de métaphores ou d'évocations poétiques d'icelui. Dans les tantras, la chose est évidente.
Dans le bouddhisme, les choses sont moins claires, car une propagande guéloukpa/théravâda a propagé l'idée (fausse) que la doctrine de Nâgârjuna - le madhyamaka prâsangika - était la seule doctrine ultime du Bouddha. En réalité, le bouddhisme est beaucoup plus riche et propose bien d'autres approches, comme celle du Bouddha éternel, celle des tantras du Corps indestructible, celles du dzogchen et de la mahâmudrâ.
En Inde et au Tibet, ces doctrines ont été admises (avec quelques controverses), puis étouffées jusqu'à nos jours, sous l'impulsion d'un moine (ce sont toujours des moines qui préfèrent la voie négative) nommé Tzongkhapa. Il créa une école - l'école guélouk - qui affirme que la voie négative est le fin mot du bouddhisme, et que les dizaines de textes (soûtras et tantras, plus leurs commentaires) décrivant une voie affirmative, positive, n'étaient que des métaphores destinées à encourager les débutants que les négations auraient pu effrayer. Son école, l'école guélouk donc, a pris le pouvoir au Tibet et en Mongolie grâce aux hordes mongoles. Elle a détruit ou envahi les monastères des écoles qui proposaient une autre approche, et a fait détruire ou a empêché la propagation des livres de la voie positive. Récemment encore, des fanatiques de cette secte on poignardé à mort des gens qui, selon eux, avaient l'esprit trop large et qui corrompaient donc l'enseignement de la pure voie négative du madhyamaka prâsangika, tel qu’interprétée par Tzongkhapa. La terreur suscitée par les guélouks est si grande qu'aujourd'hui encore personne n'ose parler librement. Les textes prônant une autre approche, comme ceux de Dolpopa ou Gorampa, recommencent néanmoins à être diffusés et sont lus avidement. En Occident, la plupart des bouddhistes et des bouddhologues ont subit l'influence des guélouks et des théravâdas, école bouddhiste de l'Asie du Sud (Sri Lanka, Birmanie...) qui essaie de se faire passer pour la plus ancienne et la plus fidèle aux enseignements du Bouddha.
En Inde et au Tibet, ces doctrines ont été admises (avec quelques controverses), puis étouffées jusqu'à nos jours, sous l'impulsion d'un moine (ce sont toujours des moines qui préfèrent la voie négative) nommé Tzongkhapa. Il créa une école - l'école guélouk - qui affirme que la voie négative est le fin mot du bouddhisme, et que les dizaines de textes (soûtras et tantras, plus leurs commentaires) décrivant une voie affirmative, positive, n'étaient que des métaphores destinées à encourager les débutants que les négations auraient pu effrayer. Son école, l'école guélouk donc, a pris le pouvoir au Tibet et en Mongolie grâce aux hordes mongoles. Elle a détruit ou envahi les monastères des écoles qui proposaient une autre approche, et a fait détruire ou a empêché la propagation des livres de la voie positive. Récemment encore, des fanatiques de cette secte on poignardé à mort des gens qui, selon eux, avaient l'esprit trop large et qui corrompaient donc l'enseignement de la pure voie négative du madhyamaka prâsangika, tel qu’interprétée par Tzongkhapa. La terreur suscitée par les guélouks est si grande qu'aujourd'hui encore personne n'ose parler librement. Les textes prônant une autre approche, comme ceux de Dolpopa ou Gorampa, recommencent néanmoins à être diffusés et sont lus avidement. En Occident, la plupart des bouddhistes et des bouddhologues ont subit l'influence des guélouks et des théravâdas, école bouddhiste de l'Asie du Sud (Sri Lanka, Birmanie...) qui essaie de se faire passer pour la plus ancienne et la plus fidèle aux enseignements du Bouddha.
Pourtant, le bouddhisme ne se réduit pas à cela. En effet, les autres courants du bouddhisme enseignent que la voie négative est une préparation à la révélation du Réel - notre nature véritable - qui surgit de l'intérieur comme la reconnaissance d'une richesse présente depuis toujours mais qui était voilée par l'ignorance et les passions. Selon cette approche, la voie négative est plus rationnelle, mais elle reste toujours conceptuelle : elle abouti à une idée de tout ce que le réel n'est pas. Elle est une préparation. Ensuite, la voie affirmative pointe le Réel même, notre vraie nature, mais plutôt de manière poétique, que de manière rationnelle.
Mipham, un maître bouddhiste du début du XXe siècle, décrit cette nature non pas seulement en termes négatifs, mais aussi en termes positifs : elle est "identique à l'espace indestructible qui embrasse tout". Elle n'est pas une perception impermanente. En cette "clarté lumineuse qui est l'auto-luminosité de l'inconditionné, tous les phénomènes du samsara et du nirvana sont inclus". Notre vraie nature est la toute-possibilité. Et "elle n'est pas simplement une non-entité", le résultat d'une simple négation. Car les choses et les non-choses résultent de causes et de conditions. Mais cette conscience éternelle ne résulte pas de causes et de conditions. Elle est au contraire la cause et la condition de possibilité de toutes choses. Elle n'est pas vide de substance. Au contraire, elle est la substance de tout, vide de tout défaut, de toute dépendance comme de toute condition. Voilà pourquoi le Soûtra du Nirvâna affirme qu'elle est le "Soi souverain" (aishvaryâtman). Elle transcende toute idée, alors que la vacuité négative, l'absence de substance dans les choses, est une idée, comme l'indique du reste sa construction en sanskrit : shûnya-tâ. Vacui-té.
Notre vraie nature, ajoute Mipham, est "la nature intrinsèque de la condition immuable". Elle ne change pas. Comme dit Maitreya, elle "est avant comme après, une réalité immuable". Le Soûtra du Nirvâna ajoute qu'elle est "le Soi qui ne se transforme pas (aviparinâmâtman)", le "Soi réel" (satyâtman), immuable (dhruva) et éternel (shâshvata).
Elle est tout simplement notre conscience, "lumineuse et claire par elle-même". Elle est la "conscience qui existe par elle-même" (syavambhûjnâna) et qui ne résulte pas de causes ni de conditions. Elle n'est pas vide d'essence ou d'existence propre. Elle n'est pas une illusion. Au contraire, elle est l'existence propre, l'essence, la nature, la réalité de toute chose. Alors que les choses changent, dit Mipham, ce Bouddha présent en chaque être depuis toujours ne change pas, "comme l'espace". Il est "la clarté lumineuse de l'immensité inconditionnée", sans illusion ni ignorance. Elle est "l'essence inconditionnée du Corps Absolu", "elle ne peut pas être une phénomène conditionné produit par des causes et des conditions".
La voie négative ne concerne donc que l'irréel, les choses du monde, l'ego. Cette voie est aisée à parcourir : chacun peut comprendre que l'absolu ne peut pas changer, et que, les choses étant changeantes et relatives, elles ne sont pas l'absolu.
Alors que la voie positive suggère le Réel, les phénomènes purs, le Soi. Ce Réel est difficile à comprendre au moyen de raisonnements. Mais facile à ressentir par le cœur, par la foi, l'intuition et à travers une relation vivante avec un enseignement. Comme dit encore Mipham, "ce qu'il faut comprendre, c'est la lumière inconditionnée ; mais cet inconditionné qui n'est qu'un vide (de nature propre) n'est d'aucune aide !"
Tout a une cause.
Le Bouddha n'a pas de cause.
Tout est relatif.
Le Bouddha est l'absolu.
Et l'absolu enveloppe en lui les relatifs, sans les exclure, mais en les optimisant quand on le reconnaît.
Et ainsi de suite.
Ainsi, tout est inclut dans la reconnaissance de l'absolu ici et maintenant.
Il est au-delà des extrêmes de l'être et du non-être :
Nul ne peut voir la conscience : elle n'est pas quelque chose.
Nul ne peut tomber dans le néant : le néant lui-même n'est rien sans conscience !
Voilà ce qu'explique Mipham, notamment dans sa Trilogie de l'esprit en sa nudité, à la suite de tant d'autres sages, bouddhistes ou autres, qui nous invitent sans relâche au festin de l'éternel émerveillement.
A
Ne savais-tu donc pas, quoi qu'il puisse paraître,
RépondreSupprimerQue l’Absolu n’est rien, que l’Etre est le Non-Etre ?
Quoi ! ignorais-tu donc que le haut, c’est le bas ?
Car Dieu est l’Infini, I1 est tout et n’est pas !
RG
S’adonner à une recherche spirituelle est une perte de temps. Mais alors, toute l’existence, telle que nous avons à la vivre, est une perte de temps — jusqu’à ce que nous revenions à nos sens.
RépondreSupprimerPlus nous continuons à faire des recherches, moins nous découvrirons la vérité. La vérité est dans le moment présent; et le moment présent est ce qui est. C’est-à-dire tout est dans la sensation, ce moment-ci, maintenant, dans la propre expérience de l’observateur. C’est la voie de l’ignorance que de chercher quelque chose d’autre.
Pendant que vous serez engagé dans la recherche spirituelle, vous serez détourné de ce qui est et vous entrerez dans ce que les maîtres spirituels, les bouddhistes et toutes les autres religions ont apporté. Vous entrerez dans l’espace intérieur et vous commencerez à imaginer ce qu’est Dieu, ce qu’est Jésus, ce qu’est Mahomet, ce dont a parlé Bouddha. Vous entrerez dans toutes sortes de cérémonies, de mantras et choses semblables — qui sont toutes du toc comparées à la vérité. La seule vérité est ce qui est tel que c’est, dans le moment présent : le phénomène tel qu’il est devant vous. Tout le reste vous éloigne de la vérité. Et alors, inévitablement, vous devrez souffrir et connaître la confusion et la contradiction.
Il vous a été donné de vivre pour que vous puissiez souffrir assez et traverser la perte et tous les succès et échecs, les dépressions et les confusions temporaires ; et les moments temporaires dans lesquels vous êtes dans l’état d’esprit de sentir qu’il y a un Dieu ou une vérité. Temporaires, parce que tenir la vérité comme un état ininterrompu exige que vous soyez absolument et complètement dans vos sens, dans le moment présent et à tous les instants. Vous ne pouvez accomplir cela tant que vous n’avez pas vécu et souffert suffisamment ; de sorte que finalement vous vous débarrassez de votre imagination de la vérité et vous percevez sa réalité.
RépondreSupprimerVous vous attendriez à ce qu’un maître spirituel dise qu’« il n’y a qu’une seule vérité et c’est le moment présent ». Mais je vous dis ceci : la seule vérité est d’être dans le moment présent, dans vos sens ; ce que vous voyez et que vous entendez est la vérité ; et s’il y a quoi que ce soit qui survient dans votre espace intérieur, ce n’est pas la vérité.
L’espace intérieur est le lieu où vous pensez, voulez, imaginez, souhaitez et rêvez ; où vous avez des réalisations spirituelles ; où vous réalisez Dieu, la vérité et l’amour. Tout cela arrive dans l’espace intérieur — de manière démontrable, dans votre propre expérience. Mais tout que vous êtes en train d’imaginer, que vous construisez comme une opinion, une position, n’est pas la vérité. Il n’y a pas de vérité dans l’imagination Et il n’y a pas de vérité dans les réflexions.
A l’intérieur de vous se trouve la clameur de vos émotions et l’embrouillamini de votre mental. S’il se trouvait que vous éliminiez un peu de cette confusion et de cette clameur, alors il est vrai qu’un reflet de la vérité pourrait se faire entrevoir ; et vous seriez exalté dans cet instant et vous penseriez que vous avez réalisé Dieu. Mais ce n’est qu’un reflet de Dieu. Ce n’est là qu’un éclaircissement d’une petite partie de l’intellect, qui est le reflet de Dieu dans l’existence. Un reflet de Dieu est comme un reflet dans le miroir. Est-ce vous dans le miroir ? Non, c’est votre reflet. Ainsi, un reflet de Dieu dans l’intellect n’est pas Dieu… Dieu est maintenant, en ce moment-ci, à chaque moment.
RépondreSupprimerL’intellect est tout barbouillé de tout le toc que la croyance et la religion, et les espoirs et les faussetés que les maîtres ont répandus. Vous ne pouvez pas trouver la vérité tant que vous n’avez expulsé tout cela de l’intérieur de vous. Vous ne trouverez jamais l’absence, qui est l’état de vérité, tant que vous n’êtes pas capable d’être dans le moment présent — sans rien qui survienne à l’intérieur.
Dois-je rappeler aux bouddhistes ce qu’a dit le Bouddha ? « Je n’ai rien qui survienne ». Cela signifie : aucune opinion, aucune croyance, aucun mantra, aucun vouloir, aucune tentative, aucun effort, aucune clameur, aucune confusion — en tant que mode de vie.
Que pouvez-vous faire pour éliminer la clameur et la confusion ? Vous devez cesser de réfléchir à partir de vos émotions, de vos pensées, de votre mémoire. Vous devez cesser de penser, de souhaiter, de rêver alors que vous êtes éveillé. Pendant que je fais tout cela, j’existe. J’existe seulement dans le passé — en tant que réflexion à partir de ma mémoire, mes émotions ou ce que je sais. Lorsqu’il n’y a que la perception, dans le moment présent, dans les sens, je disparais. Alors, il y a l’état d’absence — aucune personne, aucun individu. Seulement ce qui est.
C’est là une négation de tout — sauf du faire. Personne sur terre ne peut cesser de faire. Le problème est seulement que je produis un « Je » pour réfléchir sur ce que je suis en train de faire. Il n’y a rien qui survienne. Mais je suis néanmoins encore en train de « faire »… L’oiseau chante et il y a les arbres, le ciel, les nuages, et tout ce dont m’informent mes sens de l’ouïe et de la vue ; c’est la seule réalité dans le moment présent.
Je ne sais pas à quelle profondeur est cette réalité à l’intérieur des sens. C’est un grand X ou autre chose que je ne puis nommer. Est-ce là tout ce que c’est ? Personne ne peut le dire. Tout ce qui en est dit est une interprétation. C’est ce qui est ici et maintenant. C’est le mystère; c’est le secret.
RépondreSupprimerBarry Long