A propos de ce billet, un lecteur m'écrit :
"Bonjour David,
Il est tout à votre honneur de faire vôtres les paroles de Jaurès. Cependant, votre réponse ne me semble pas cohérente avec l'idée de la Source unique. Cette idée de Source unique, qui serait tout, est, selon moi, à la base de bien des dérives possibles. Ramana Maharshi aurait d'ailleurs dit en parlant de l'homme réalisé face au problème du meurtre que "même s'il est amené à les détruire toutes, aucun péché ne pourra atteindre cette âme pure" (Eleonore Braitenberg, Ramana Maharshi, L'Enseignement de Ramana Maharshi, Albin Michel, 2005, p.53). Certains ne se sont d'ailleurs pas gênés pour faire du bien et du mal des notions illusoires et justifier ainsi toutes les atrocités.
Et si comme vous le pensez, la Source est parfaite, mais incomplète, alors cela ouvre la porte à des tas de contresens.
Les questions éthiques ne sont pas les seules à empêcher les "penseurs de la Source unique" de ronronner. La question de la volonté, que vous avez déjà évoquée je crois, semble également insoluble dans ce cadre. En effet, si je suis moi aussi la source de tout, comment se fait-il que je ne puisse pas faire apparaître, là, devant moi, un bon gâteau au chocolat ;-), ou faire disparaître la maladie qui accable une personne que j'aime ? Parce qu'en réalité, je ne le voudrais pas vraiment ? Cela semble un peu facile...
Idem pour le problème de la connaissance. Si je suis la source de tout, comment se fait-il que j'ignore comment l'univers a été créé ? Comment se fait-il que je ne peux savoir ce qui se passe dans la maison de mon voisin sans me déplacer de chez moi, ou savoir si une vie existe sur une planète lointaine ? Comme se fait-il que je ne puisse pas voir ce que vous voyez là, à cet instant ? Comment ne puis-je pas lire dans vos pensées ?
Peut-être est-ce moi qui comprends mal, mais je trouve cette idée de la Source unique assez bancale. Qu'en pensez-vous ? Votre avis m'intéresse."
Merci pour ces questions. Tout le monde se les pose.
Oui, vous avez raison, ma réponse n'est pas cohérente.
Je ne comprends pas la Source.
Elle est un mystère.
Je fais cette expérience d'unité en quelque sorte, mais je ne
la comprends pas. Comme être témoin d'un miracle sans
pouvoir l'expliquer.
Ma raison essaie de l'exprimer avec des mots, de façon
cohérente et en accord avec toutes les expériences.
Mais sans jamais atteindre la perfection. C'est cela le moteur
de l'évolution : aspirer à comprendre ce qui ne peut l'être.
J'essaie de pointer vers ce ressenti, je ne peux m'empêcher
de vous inviter à ressentir cette Source en vous, votre unité
et l'unité de toute chose avec elle.
Ainsi, vous pourrez chercher vos propres mots.
La Source cherchera alors à s'incarner à travers votre
individualité.
C'est paradoxal. Impossible.
Mais c'est ainsi.
Dans l'intuition du Cœur, l'unité est
émerveillement, un vertige, un ébahissement, une
communication sans mots, instantanée, un concentré de
tout, un chœur de tous les chants possibles.
Ensuite on essaie de traduire.
Mais traduire l'infini dans le fini ne peut déboucher que sur
des paradoxes.
Je n'invente pas une théorie à partir de rien. J'essaie de mettre en paroles un ressenti.
Vous dites ensuite qu'il y a un risque à affirmer que la Source est parfaite.
Oui, c'est vrai, des dérives sont possibles. J'essaie d'en parler aussi ici et là. Mais la vie est un risque. La liberté est un risque. La toute-possibilité est un risque. L'infini est un risque. L'au-delà du mental est un risque...
Mais aussi la sécurité absolue ! Un havre de paix, le salut, l'indestructible foi qui palpite au cœur de toutes les âmes.
Il n'y a que le néant qui soit sans risques.
Vous demandez pourquoi je ne peux même pas plier un brin d'herbe si je suis la Source.
La réponse est que si je me reconnais comme inséparable de la Source, je ressentirais la réponse. Mais là encore, c'est une chose de ressentir, une autre de la traduire en mots. En tant qu'individu, je ne puis rien. Pas même bouger le petit doigt. Tout ce que je fais, je le fais en m'identifiant à la Source. Mais, en général, ce plongeon dans la Source passe comme l'éclair. Cette reconnaissance est fugace et ne permet qu'une efficience limitée. Mais si je me donne en reconnaissant que je suis cette Source - sans pour autant en comprendre tout le détail ! - alors j'ai la réponse, je suis la réponse.
Je ne saurais sans doute pas l'expliquer sans incohérences. C'est vrai. Mais c'est mon expérience. Et je suis sûr qu'il en va ainsi pour tous les êtres, depuis les asticots jusqu'aux dieux hypercosmiques.
Quand je me baigne dans le ressenti du Cœur, je suis le Cœur de tout et de tous, je connais tout, je fais tout. Mais sans pouvoir le mettre en mots. Ça arrive à tout le monde d'avoir une intuition, un "eurêka", et de ne pas arriver à le traduire, à l'incarner, à le manifester. Eh bien là c'est pareil. Je sais tout. Mais d'une façon qui fait que je ne puis en extraire les détails. Pas tous du moins. Mais il en sort quand même quelque chose. Des pensées plus claires, des actes plus justes ou une conscience plus aiguës de mes imperfections, mais sans culpabilité, mon individualité étant comme enveloppée et guidée dans l'immensité de la claire conscience. A l'aveugle car aveuglée. Dans une vision qui ne voit pas distinctement, mais qui ne fait qu'une avec la Vision de la Source.
Et puis les formulations etc. ne sont jamais parfaites, c'est vrai, mais quand on regarde les expressions des sages du passé à propos des processus de création par exemple, on ne peut être que frappé par leur justesse. Ainsi le bouddhisme et l'hindouisme ont admis depuis longtemps qu'il existe un nombre infini d'univers en évolution cyclique, de même que l'évolution des espèces. Alors que la science à découvert les autres galaxies seulement au XXe siècle et l'évolution au XIXe. Il y a beaucoup d'exemples de ce genre. Bien sûr, la science progresse, elle va plus loin dans les détails. Mais à mon sens, elle ne fait que prolonger les intuitions d'avant la science, et les grands scientifiques sont connectés à la Source. Même s'ils l'expriment avec d'autres mots, d'autres outils.
Je ne sais pas pourquoi je ne sais pas tout ce que je voudrais savoir, pourquoi je ne peux faire tout ce que je voudrais. Ou si, je le sais mais je ne trouve pas les mots ! Mais ce qui est certain, c'est que plus je me plonge dans l'océan du Cœur, plus je vis consciemment en cette immensité de vie silencieuse, mieux c'est. Voilà tout.
Bonjour David,
RépondreSupprimer-Partie 1-
Je vous remercie d'avoir pris le temps de me répondre dans un long billet, franc et nuancé. Merci.
Voici ce que votre texte m'inspire.
Vous écrivez ceci : "Oui, vous avez raison, ma réponse n'est pas cohérente. Je ne comprends pas la Source. Elle est un mystère. Je fais cette expérience d'unité en quelque sorte, mais je ne la comprends pas. Comme être témoin d'un miracle sans pouvoir l'expliquer."
Sachez que je ne remets absolument pas en question votre sincérité (je ne vous connais pas), ni la profondeur de votre expérience. Par ailleurs, et vous le savez fort bien, vous êtes loin d'être le seul à vivre des expériences de ce type. Non, ce n'est pas l'expérience le problème. Ce que je remets en question, c'est le discours que vous développez autour de cette expérience.
Vous écrivez ensuite : "J'essaie de pointer vers ce ressenti, je ne peux m'empêcher de vous inviter à ressentir cette Source en vous, votre unité et l'unité de toute chose avec elle. "
Faire l'expérience de l'unité est une chose, oublier nos limites en est une autre...
De plus, se réfugier derrière un ressenti n'est pas sans danger. Je peux parfaitement avoir l'impression que le soleil tourne autour de la terre, ce n'est pas pour cela que c'est vrai. Mes sens et mon cerveau peuvent être trompés par un bon prestidigitateur, mais mon ressenti, aussi fort soit-il, ne doit pas me conduire à penser que la magie existe !
Les incohérences que vous laissez sans réponse satisfaisante peuvent se dissiper aisément si l'on adopte une autre vision de ce que nous sommes vraiment : des êtres limités "capables de Dieu" ou d'infini. Nous sommes un peu comme des segments de droite ou des demi-droites : limités, mais capables d'accueillir une infinité de points. Mais nos limites me semblent bien réelles. Du moins, c'est ce que mon ressenti ;-) et ma raison me montrent. Bien entendu, nous pouvons faire l'expérience de l'unité, mais nous sommes aussi des êtres différents, séparés et limités !
Ainsi, si vous étiez vraiment la Source de tout, vous pourriez éviter la souffrance (physique, par exemple) lorsque vous retournez votre attention à 180°. Et puis, si chaque être humain est la Source de tout, pourquoi oublions-nous notre condition "divine", pourquoi cet oubli, cette ignorance qui recouvre notre vraie nature, vu que cet oubli entraîne parfois une recherche pleine de souffrances ? Et surtout, vu que cet oubli conduit les humains à se faire souffrir, à se comporter en meurtriers, en violeurs... ? La Source est-elle folle ? Vous écriviez d'ailleurs ceci, ailleurs sur votre blog...
"http://shivaisme-cachemire.blogspot.be/2012/10/boire-du-lait-est-ce-pire-que-manger-de.html
"Enfin, dans une perspective non-dualiste, comment justifier cette souffrance infligée à autrui, aux autres animaux ?
L'on pourrait certes répondre que l'autre étant moi, je ne fais pas vraiment de tord à autrui en le faisant souffrir. N'a-t-on pas le droit de se faire souffrir soi-même ? Tel est le genre d'argument que l'on entend souvent. Quand j'ai posé la question des camps de concentration à des maîtres du shivaïsme du Cachemire (en Inde), ils ont répondu qu'en réalité, il n'y avait là aucune souffrance moralement mauvaise - seulement un "jeu du je". Mais cet argument me semble peu convaincant, car se faire souffrir soi-même, c'est être fou, c'est souffrir de psychose - d'une scission entre soi et soi. Dans ce cas, la conscience est folle, psychotique, malade. Comment peut-on affirmer qu'elle est libre ? Ou alors, il s'agit de la liberté d'un enfant qui "fait ce qu'il veut" dans une chambre avec une arme chargée... "
(suite au prochain commentaire)
Suite
RépondreSupprimer-Partie 2-
Si la Conscience unique est la source de tout, alors elle est également à l'origine de l'ignorance de notre vraie nature. Et comme cette ignorance est à l'origine des nombreuses souffrances que les humaines s'infligent les uns aux autres, la Conscience est bien à l'origine de ces souffrances. La Conscience serait-elle folle ? Ou masochiste ?
Cet autre passage, toujours de votre plume, est nettement plus inquiétant : "Je sais tout. Mais d'une façon qui fait que je ne puis en extraire les détails. Pas tous du moins. Mais il en sort quand même quelque chose. Des pensées plus claires, des actes plus justes ou une conscience plus aiguës de mes imperfections, mais sans culpabilité, mon individualité étant comme enveloppée et guidée dans l'immensité de la claire conscience."
Sans culpabilité ? Certains tueurs aussi n'éprouvent aucune culpabilité. Ne sont-ce pas les plus dangereux ? Moi, je préfère ressentir de la culpabilité...
Vous écrivez aussi cela : "Et puis les formulations etc. ne sont jamais parfaites, c'est vrai, mais quand on regarde les expressions des sages du passé à propos des processus de création par exemple, on ne peut être que frappé par leur justesse. Ainsi le bouddhisme et l'hindouisme ont admis depuis longtemps qu'il existe un nombre infini d'univers en évolution cyclique, de même que l'évolution des espèces."
En disant cela, vous êtes proche du concordisme. Dans la masse des écrits des religions que vous citez, il n'est pas étonnant que l'on trouve l'un ou l'autre élément qui soit en accord avec la science moderne. Mais on trouve également, dans ces écrits, des bêtises incommensurables !
Vous, encore :"Je ne sais pas pourquoi je ne sais pas tout ce que je voudrais savoir, pourquoi je ne peux faire tout ce que je voudrais. Ou si, je le sais mais je ne trouve pas les mots."
Cela, c'est ce que vous dites après coup... Et c'est ce discours qui pose problème et qui est dangereux. Mais d'autres discours sont plus dangereux encore, comme celui de Namkhai Norbu par exemple : "Toutes les méthodes des diverses voies, celles des Sûtras, tous les niveaux du Tantra, ainsi que celle du Dzogchen, conduisent à la réalisation totale du Fruit, c'est-à-dire la complète libération de l'existence conditionnée, dans un état d'être doué d'une maîtrise absolue de tous les phénomènes de la réalité et d'une sagesse parfaite et omnisciente dans tous les domaines." (Chögyal Namkhai Norbu, Dzogchen et tantra, 2006, Albin Michel, p.184 ).
Et puis d'autres, qui prétendent faire la même expérience que vous, développent d'autres discours encore, comme la négation du libre arbitre... Ou disent des horreurs à propos des camps de concentration (cf. plus haut).
Je vous conseille la lecture du livre d'Italo Calvino, Le Chevalier inexistant. L'expérience mystique peut transformer un individu dans le bon comme dans le mauvais sens. Prétendre être tout en oubliant les limites inhérentes à la condition humaine, prétendre à la perfection est le premier pas sur une voie très dangereuse.
Cordialement,
C.L.
Je me permets de faire une petite remarque à propos de votre commentaire, carollaurent00, car en effet, à mes yeux, il me semble que vous ne faites pas bien la distinction entre la conscience qui s'identifie à tous les jeux(je) de l'égo, qu'ils soient individuels ou collectifs, et le point de vue de maîtres réalisés qui eux, ne sont plus identifiés à tous ces jeux.
RépondreSupprimerDonc, bien sûr que " la conscience est folle, psychotique, malade ", on le voit chaque jour, mais ce n'est pas la Conscience, mais le résultat de ces identifications erronées.
Quant aux nazis, n'en parlons pas, leur obsession des connaissances mystiques, dans le but d'asseoir du pouvoir bien sûr est notoire, notamment chez Himmler.. Alors oui on peut parler de perversion etc.
(Bonjour David, voici la suite de mon commentaire. Bien cordialement, C.L.)
RépondreSupprimer-Partie 2-
... Si la Conscience unique est la source de tout, alors elle est également à l'origine de l'ignorance de notre vraie nature. Et comme cette ignorance est à l'origine des nombreuses souffrances que les humaines s'infligent les uns aux autres, la Conscience est bien à l'origine de ces souffrances. La Conscience serait-elle folle ? Ou masochiste ?
Cet autre passage, toujours de votre plume, me semble plus inquiétant : "Je sais tout. Mais d'une façon qui fait que je ne puis en extraire les détails. Pas tous du moins. Mais il en sort quand même quelque chose. Des pensées plus claires, des actes plus justes ou une conscience plus aiguës de mes imperfections, mais sans culpabilité, mon individualité étant comme enveloppée et guidée dans l'immensité de la claire conscience."
Sans culpabilité ? Certains tueurs n'éprouvent aucune culpabilité. Ne sont-ce pas les plus dangereux ? Moi, je préfère ressentir de la culpabilité...
Vous écrivez aussi cela : "Et puis les formulations etc. ne sont jamais parfaites, c'est vrai, mais quand on regarde les expressions des sages du passé à propos des processus de création par exemple, on ne peut être que frappé par leur justesse. Ainsi le bouddhisme et l'hindouisme ont admis depuis longtemps qu'il existe un nombre infini d'univers en évolution cyclique, de même que l'évolution des espèces."
En disant cela, vous êtes proche du concordisme. Dans la masse des écrits des religions que vous citez, il n'est pas étonnant que l'on trouve l'un ou l'autre élément qui soit en accord avec la science moderne. Mais on trouve également, dans ces écrits, des bêtises incommensurables !
Vous, encore :"Je ne sais pas pourquoi je ne sais pas tout ce que je voudrais savoir, pourquoi je ne peux faire tout ce que je voudrais. Ou si, je le sais mais je ne trouve pas les mots."
Cela, c'est ce que vous dites après coup... Et c'est ce discours qui pose problème et qui peut être dangereux. Mais d'autres discours me paraissent plus dangereux encore, comme celui de Namkhai Norbu par exemple : "Toutes les méthodes des diverses voies, celles des Sûtras, tous les niveaux du Tantra, ainsi que celle du Dzogchen, conduisent à la réalisation totale du Fruit, c'est-à-dire la complète libération de l'existence conditionnée, dans un état d'être doué d'une maîtrise absolue de tous les phénomènes de la réalité et d'une sagesse parfaite et omnisciente dans tous les domaines." (Chögyal Namkhai Norbu, Dzogchen et tantra, 2006, Albin Michel, p.184 ).
Et puis d'autres, qui prétendent faire la même expérience que vous, développent d'autres discours encore, comme la négation du libre arbitre... Ou disent des horreurs à propos des camps de concentration (cf. plus haut).
Je vous conseille la lecture du livre d'Italo Calvino, Le Chevalier inexistant. L'expérience mystique peut transformer un individu dans le bon comme dans le mauvais sens. Prétendre être tout en oubliant les limites inhérentes à la condition humaine, prétendre à la perfection est le premier pas sur une voie dangereuse.
Cordialement,
C.L.
Bonjour Carole,
RépondreSupprimerSur la plupart des questions que vous soulevez, je vous rejoins. Ce sont du reste des points que j'ai touché régulièrement sur mes blogs ces dix dernières années.
Je ne nie pas l'individualité, ni la conscience morale, ni le libre-arbitre. Contrairement à d'autres.
Par conséquent j'admet que l'individu n'est pas Dieu. En revanche, il est capable de vivre en Dieu (plutôt que simplement "capable de Dieu"), car la pointe de son individualité est en contact immédiat avec Dieu, ou bien même, on peut dire qu'elle est Dieu. Dans l'anthropologie mystique chrétienne, ce sommet de l'esprit, le "je", est le point où l'individu est Dieu. Voyez l'exemple très clair de Jean de la Croix.
Pour autant, quand un mystique dit "je suis Dieu", il n'est pas une créature s'arrogeant le droit de son Créateur, mais Dieu lui-même se reconnaissant en l'individu, car ce dernier est "à l'image et ressemblance" de Dieu, précisément par la fine pointe de l'âme, lieu du libre-arbitre et de toutes les opérations surnaturelles. Cela étant, les choses ne sont pas si simples, car c'est toujours Dieu ou un individu qui disent "je suis", et jamais une pierre ou une chaise. Donc l'individu a une relation à la fois d'unité et de dualité avec Dieu, même en tant qu'être limité.
Oui, il y a des risques. C'est inévitable. Mais la vie intérieure n'est jamais dans l'oubli des limites de la condition humaine. Je ne connais nul exemple d'un tel oublie parmi les grands mystiques. Mais effectivement, la confusion peut faire qu'un individu s'arroge la divinité, la toute-puissance, etc. C'est le cas de bien des gourous.
Enfin, vous dites que le problème du mal et des limites est aisément résolu si l'on admet une dualité entre le Créateur et la créature. Je ne vois en quoi. J'ai beau relire la Théodicée, je ne vois guère plus de solution, nulle cohérence supplémentaire. L'origine du mal demeure un mystère tragique. Et la raison de nos limites humaines aussi. Dans tous les cas, le mystère reste entier, me semble-t-il. La différence est que dans l'expérience mystique, on fait l'expérience d'une Source de toutes les biens qui est le Bien.
Enfin, même si l'on reste conscient de nos limites et l'on croit en un Dieu séparé, les "risques" que vous évoquez demeurent aussi bien : voyez l'exemple du jihad, des guerres saintes en tous genre, des fanatismes multiples et variés, des casuistiques et justifications ad hoc engendrées par les théologies dualistes : l'intelligence humaine, dès lors qu'elle abdique devant la passion de croire, est capable de tout. Je choisis Fénelon contre Bossuet.
Quelque chose en moi, qui est plus moi que moi, dit "Je suis Dieu", sans mots, avec tous les mots. Dieu est tout entier en moi, en chacun, et nous tous en lui, comme les vagues dans l'océan. Mais comment pourrais-je manipuler ceci ?
Merci pour vos objections, qui sont d'une pertinence inhabituelle.
Bonjour David,
RépondreSupprimerMerci pour votre long commentaire.
Au vu de ce que vous avez publié dans celui-ci, je pense qu'en effet, nous nous rejoignons sans doute sur la majorité des points soulevés précédemment.
Un dernier élément, car je me suis sans doute mal exprimée... Lorsque j'ai parlé de Dieu, c'était pour reprendre une formule bien connue. Mais je ne crois pas en l'existence de Dieu (du moins tel que ce dernier est représenté dans les formes classiques des monothéismes).
Par ailleurs, lorsque j'ai dit que "nous pouvons faire l'expérience de l'unité, mais [que] nous sommes aussi des êtres différents, séparés et limités !", je faisais référence aux individus humains. L'expérience mystique nous fait goûter à l'infini, à l'unité,à l'Etre, à Dieu (choisissez le mot que vous préférez) mais nous, individus humains, n'en restons pas moins des êtres différents et limités, et de ce fait, susceptibles de développer des intérêts divergents; nous sommes donc prompts à l'affrontement.
Croire qu'il existe un Dieu omnipotent et omniscient ne fait effectivement que compliquer le problème de l'existence du mal. Mais tel n'était pas mon propos.
Cordialement,
C.L.