Vous avez peut-être lu L’Épître sur l'unicité absolue, de Balyani. Ce qui est intéressant, c'est que cet enseignement panthéiste radical fut autrefois attribué à Ibn Arabi, penseur d'une doctrine voisine en apparence, mais au fond assez éloignée, celle de l'Unité de l'existence. Cela m'a rappelé la façon dont on a longtemps confondu, et dont on confond encore, Shankara et Abhinavagupta. Alors qu'ils expriment des tempéraments très différents.
Balyani est plus sec, plus concis, plus direct, plus "percutant" dirons certains. Comme pour Shankara, on en sait moins sur lui que sur Ibn Arabi. Il prône également une doctrine de la non-dualité par effacement des apparences. L'attrait de son message réside dans sa simplicité. C'est assez court, répétitif et donc aisé à comprendre.
Alors que l'oeuvre d'Ibn Arabi est prolixe (il n'existe pas d'édition complète), pleine de nuances, de hiérarchies, de symboles, d'analogies, de correspondances, de couleurs, de lyrisme, de schémas ésotériques. Lire ses textes est à la fois passionnant et ardu. Ils sont généralement long, et pleins de détours, d'allusions et de renvois. La non-dualité dont il parle est d'un autre ordre : il évoque une unité de tout ce qui est par une sorte d'enveloppement en Dieu, au sein d'une structure en poupée russe, avec mises en abîmes multiples. Ce qui donne vite le vertige, tant les listes de termes, de personnages, d'états et de mondes sont nombreuses. C'est le même genre d'expérience qu'avec Abhinavagupta : passionnant, riche, enveloppant, mais d'autant plus complexe et déroutant, sans doute plus délicat à résumer en quelques mots. Les détracteurs diront : "plus mental".
On retrouve ce même couple d'approche simple VS. riche dans d'autre traditions ou courants.
Ainsi, on peut opposer, au sein du bouddhisme, le madhyamaka de Nâgârjuna, "profond" mais sec, machine dialectique qui démolit tout sans se soucier des détails ; et le yogâcâra d'Asanga, "vaste", mais fécond, complexe, architecture sophistiquée aux milles facettes.
De même, dans le christianisme, on peut distinguer les approches mystiques épurées, apophatiques, à commencer par celle de St Denys, de celles, plus théosophiques, de gens comme Jacob Boehme.
Dans le dzogchen bouddhiste, on retrouve, du côté de la simplicité plutôt exclusive et directe, le dzogchen ancien, radical et, du côté de l'unité inclusive, riche mais débordante, le dzogchen tantrique des pratiques visionnaires.
Il y a ainsi deux approches de la vie intérieure et de la non-dualité, deux approches qui reflètent deux tempéraments ou, même, deux humeurs présentes dans la vie de tout individu :
d'un côté la simplicité, le dégoût, la lucidité, la transcendance, la négation, le masculin, la distance, le rejet, le renoncement ;
de l'autre la richesse, le goût, la magie, l'immanence, l'affirmation, l'intégration, l'engagement.
Et on pourrait allonger les listes, prolonger la comparaison.
A mon sens, on retrouve là Shiva et Shakti, deux sensibilités, deux pôles - inséparables mais distincts - de la vie. C'est le moteur de tout, l'âme de tout devenir.
Comme dans le sketch nus:
RépondreSupprimerYa lbon chasseur et ya lmauvais chasseur
Lmauvais y voit lgibier ,y tire
Lbon y voit lgibier y tire aussi
Mais c'est UN Bon chasseur.
La difference
L'un a reconnu la grace
L'autre, ,pas encore.
Quellei importance?
Puisqu'à la fin tout perit
Sauf la face de l'Amour.