mardi 27 octobre 2015

Les mots dans la tête sont-ils des pensées ?

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Parfois, on définit les pensées comme des mots visualisés intérieurement. Des sortes d'échos mentaux des mots entendus.

Mais à mon sens, cela ne tient pas. Je me trompe peut-être, mais je vois une grande différence entre une phrase qui me trotte dans la tête et une pensée. Ou entre avoir "des mots dans la tête" (des mots de tête ?) et penser.

Preuve : je peux répéter une phrase dans ma tête sans rien y comprendre, sans rien penser. Par exemple, si je lis un énoncé de problème de math plein de jargon ; je lis, et je répète dans ma tête. Histoire de me donner une chance. Mais rien ne vient, je ne comprends rien. Donc il y a comme du son, du son intérieur, mais point de pensée. On me répondra peut-être qu'il y a bien pensée, mais pensée inaboutie, pensée confuse, pensée incomplète. Soit. Alors prenons un second exemple, encore plus radical : j'entend une phrase en chinois. Et, comme je suis doué en langue mais totalement ignorant de la langue de Confucius, je la répète intérieurement. Mais je ne la comprend pas. Est-ce une pensée ? Non, car ce ne sont là, pour moi et au moment de les énoncer, que des sons privés de toute signification, même confuse ou incomplète. C'est comme du bruit. Et le bruit n'est pas une pensée. Une pensée signifie quelque chose. C'est du langage. Cela exprime. Du moins cela y tend. Donc penser, ça n'est pas simplement répéter des mots ou des phrases intérieurement.

Ces petites expériences (de pensée !) nous apprennent aussi que la pensée est un langage, mais distinct des mots. D'ailleurs, je puis penser sans mots, plus vite que les mots, avant de trouver les mots. A l'inverse, comme nous l'avons vu plus haut, il y a souvent des mots absurdes, sans signification. Tels des cadavres ou des corps sans âme, ils ne sont donc pas des pensées.

Autre implication : les pensées ne sont pas des choses, mais des actes. Illustrons cela par une analogie : les vagues ne sont pas des choses sur l'océan, séparées de l'océan, mais des mouvement de la masse océane. Ce qui nous amène à une dernière conséquence : de même que toutes les vagues participent d'un seul et même mouvement, les pensées sont, à parler proprement, une seule et même pensée, un seul acte de penser, un seul acte de conscience. Du reste, en bon français, penser est synonyme d'être conscient ("je pense donc je suis", qui n'est pas une inférence mais l'énoncé d'une évidence, "donc" signifie ici "=", et "je pense" signifie "je suis conscient").
Quand nous méditons, nous nous mettons à l'unisson du mouvement de l'océan, au lieu de laisser notre attention se faire capturer par les vagues.

Donc finalement, les mots ne sont pas des pensées. Et les pensées sont loin d'être toujours des mots. Pourtant, on en parle au pluriel. Or sans mots, qu'est-ce qui permet de les distinguer les unes des autres ? Et pourtant il y a bien des pensées distinctes, mêmes si elles sont branches et fleurs du même arbre.

Il y a là tout un champ d'expérience, intermédiaire entre la pure présence silencieuse et les mots articulés, un champs qui nous est familier, mais dont on parle peu. C'est, selon la tradition du shivaïsme du Cachemire, le domaine des Mantras, ces sortes d'anges envoyés par Dieu pour sauver les hommes.

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