Quand la France était mystique...
Un magnifique poème de Jean de Labadie, un jésuite du Grand Siècle, puis pasteur protestant :
Source de multitude ! Adorable unité !
De qui comme d'un point tous les nombres découlent,
vers qui comme à leur centre encore eux-mêmes roulent,
Avec eux reçois-moi dans ton immensité.
Je suis avec tous eux sorti de ton grand sein,
Qui sans se diviser, s'allonger ou se fendre,
Comme il a tout donné, peut encore tout reprendre,
Sans pour prendre ou doper être plus ou moins plein.
Ton unité reprend, ton unité reçoit,
Et quoi que mille biens coulent de ta poitrine,
Quoi qu'un nombre infini s'y rende et s'y termine,
Ton unité pourtant ne croît, ni ne décroît.
Tout être autre que toi se change à tout moment
Acquérant ou perdant des qualités contraires,
Ton unité demeures égale en tous mystères,
Et meut tout sans se voir sujette au mouvement.
Les esprits et les corps de tes dons embellits
Ont leurs plus riches biens par mesure et par compte.
Mais ta seule unité tous leur nombres surmonte,
Ils ne les ont qu'épars, Tu les as recueillis.
Que l'on coure l'univers de l'un à l'autre bout,
Nul être n'est parfait, et chacun d'eux soupire
Après le bien, qu'un autre, ou que lui trouve à dire.
Mais en ton unité se trouve ensemble tout.
Elle est tout à la fois soleil, lumière, feu,
Terre et ciel, aire et mer, être d'homme, être d'ange,
Sans matière pourtant, sans forme et sans mélange,
Et d'un air éminent qu'on a jamais conçu.
Encore est-elle plus, cette rare unité,
Et pour grand tas qu'on fasse de biens et de choses,
On n'en assemble point, qu'elle ne tienne encloses,
Et ne surpasse encore de son infinité.
Ô Dieu qui seul est tout ! Un et tout sans doubler,
Source sans s'épancher, et sans te bouger centre !
Quand dans ton unité veux-tu que ma ligne entre ?
Et que mon eau s'arrête à toi sans plus couler ?
Fais que je ne sois plus en moi si divisé,
Que mon âme en ton coeur vive plus recueillie,
Et qu'en lui ton amour de sorte me rallie,
Qu'étant un avec toi, je sois divinisé.
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