tvamevātmeśa sarvasya sarvaścātmani rāgavān |
iti svabhāvasiddhāṃ tvadbhaktiṃ jānañjayejjanaḥ || 7 ||
"Seigneur !
Toi seul tu es le Soi de chacun.
Or, chacun s'aime !
Ton amour est donc
accompli par nature.
Qui le sait devient le Maître."
Utpaladeva, Hymnes à Shiva, I, 6
"Seigneur !" : īśa ! Toi dont tout dépend et qui ne dépend de rien... Toi, conscience absolue, absolument libre de te réaliser à ta guise dans l'unité, dans la dualité, dans leur négation et dans leur synthèse.
Tu es le Soi, le plus intime, car quoi de plus intime que la conscience ? Toi seul est le Soi, rien d'autre, car tout le reste est objectif et donc limité et extérieur, en comparaison de la conscience qui ne tombe jamais au rang d'objet. Tu te fais objet, certes, mais tu ne te réduis jamais à cette manifestation, sans quoi tu ne serais plus conscience, mais inertie et matière. Tu ne serais plus libre. Tu joues certes à te manifester comme dépendant et à t'oublier en t'identifiant à des êtres dépendants. Mais cela reste un jeu, quel qu'en soit le sérieux sur le moment.
Or, chacun s'aime, chacun s'aime soi-même et se préfère à tout le reste. Derrière cet égoïsme brille l'amour divin, l'amour de soi est l'amour du Soi, seulement déformé par l'identification à des objets limités comme tel corps, telle opinion, telle personnalité... Mais l'âme de l'égoïsme ou de l'amour propre, est l'amour du Soi, de la conscience universelle. L'égoïsme, c'est l'absolu qui s'aime dans l'oubli de lui-même, et en même temps sans perdre l'intuition de lui-même, de soi-même. L'amour divin se réalise donc naturellement. Oui, les êtres sont égoïstes par nature. Mais cette nature est aussi divine, si l'on regarde vers où elle regarde, plus loin que l'objet apparent de cet amour. L'égoïsme est un altruisme immature. L'altruisme est un égoïsme accompli.
En outre, l'amour propre est la preuve que le Soi est félicité absolue, puisque nous nous aimons pour nous-mêmes et que nous aimons le reste en vue de nous-mêmes.
A quoi sert de savoir cela ? A reconnaître dans l'égoïsme un instinct divin, une pente innée vers l'absolu, tout comme les fleuves venus de la mer, retournent à la mer. Fort de cette assurance, je plonge dans cette mer sans plus regarder ailleurs, car en tout et partout je ne vois que toi. Et quand je suis possédé par toi, je suis "gagnant" (jayet) dans cette défaite même et par cette mort indispensable.
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