Le bien de la fortune est un bien périssable,
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable ;
Plus on est élevé, plus on coure de danger :
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête,
Et la rage des vents brise plutôt le faîte
Des maisons de nos rois que des toits de bergers.
O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison content de sa fortune,
A selon son pouvoir maîtrisé ses désirs.
...
Il suit aucunes fois un cerf par les foulées
Dans ces vieilles forêts du peuple reculées
Et qui même du jour ignorent le flambeau...
...
Agréables déserts, séjours de l'innocence,
Où, loin des vanités, de la magnificence,
Commence mon repos et finit mon tourment,
Vallons, fleuves, rochers, plaisante solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude
Soyez-le désormais de mon contentement.
Racan, Stances sur la retraite, 1630
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