Les chakras sont aujourd'hui partout présentés comme des centres "vibratoires" subtils situés en différents lieux du corps subtil. Ce corps subtil est imaginé comme plus subtil que le corps physique et difficile d'accès aux instruments d'observation et de mesure. Mais sa nature est physique, même si elle est "quantique".
Or, les chakras viennent du Tantra traditionnel, dont l'Âge d'Or s'étend du Ve au XIIIe siècle, dans la Grande Inde, depuis l'Afghanistan jusqu'aux rives de la Papouasie.
Dans le Tantra, que sont les chakras ?
Eh bien, ce ne sont pas des centres "vibratoires", car le concept scientifique de vibration n'existe pas alors. Certes, l'idée de vibration existe. C'est le fameux spanda, qui désigne les mouvements organiques et, plus spécialement, les mouvements cycliques, comme les battements du cœur ou la respiration. Spanda désigne la pulsation, le frémissement, les mouvements du corps. Mais cette vibration n'est pas la vibration conçue par la science physique depuis le XIXe siècle, qui est beaucoup plus complexe.
Dans le Tantra philosophique développé au Cachemire, la vibration devient la conscience universelle. La vibration est alors "un mouvement immobile", un mouvement inconcevable, car c'est un mouvement qui n'implique aucune altération, un pouvoir de changer sans changer. C'est la liberté de la conscience. La conscience universelle est alors "le chakra unique qui contient une infinité de chakras". Nous verrons plus loin ce que cela signifie.
Mais dans le Tantra initiatique, les chakras ne sont pas des centres vibratoires ou des strates de l'âme. Ce sont d'abord des groupes de divinités, des panthéons. Car le Tantra est, dans sa forme la plus commune, un ritualisme fondé sur 1) la foi dans l'initiation libératrice et 2) la foi dans le pouvoir mystérieux des Mantras. Le culte du Mantra, Dieu ou Déesse, se fait avec d'autres Mantras qui sont les membres du corps divin.
A partir de là, ce culte peut se faire sur n'importe quel support. Donc aussi à l'intérieur du corps. Et ces panthéons, ces groupes de Mantras divins, mâles et femelles, sont projetés en chakras, c'est-à-dire en "roues". Les divinités sont sur les rayons de ces roues, ou sur les pétales de ces "lotus". On y visualise les divinité, ou bien les syllabes qui les représentes, les bîjas ou "germes" phoniques. Parfois, on visualise un Mantra entier, en cercle, ou bien en plusieurs parties, qui sont comme les parties du corps divin. Parfois, on ne visualise rien, mais seulement les syllabes de l'alphabet sanskrit, cet alphabet étant la Matrice divine et l'incarnation la plus intime de la conscience universelle.
D'autres fois, si l'on boit du vin, par exemple, on ressent que ce nectar enivre ces divinités. Chakra signifie "roue", mais désigne aussi une formation militaire, un genre d'escadron, ou un ballet de danse. Chakra équivaut aussi à mandala. D'ailleurs, un mandala est l'ensemble des chakras vu depuis le haut du corps, en deux dimensions.
Il n'y a donc pas ici de centres vibratoires, mais des projections imaginaires qui font du corps un temple. D'ailleurs, on peut simultanément projeter ces panthéons en son propre corps et dans le corps d'autrui ou dans un linga ("signe" de Dieu), un yoni, un miroir, une peinture, une statue, etc. On peut alors faire monter l'énergie vitale à travers une statue, un mur, un arbre, une montagne ou dans le ciel, devant soi. Mais l'énergie vitale peut aussi se déployer du haut vers le bas, ou encore à partir du cœur. Pour cela, il faut "allumer" les chakras à l'aide de Mantras eux-mêmes préalablement "enflammés" à l'aide du Mantra principal. Car il y a toujours un Mantra principal dont les autres sont des reflets. Tout est géométrique et circulaire.
Mais il existe une autre vision traditionnelle des chakras, dans la tradition secrète Kaula : le chakra principal est la conscience universelle, et les organes génitaux. Les roues "secondaires" sont les autres organes des sens et les zones érogènes. La pratique consiste alors à "allumer" (dîpana) les roue secondaires afin qu'elles enflamment à leur tour la roue centrale. C'est le Rite Primordial de l'expansion de conscience par l'expansion des divinités que sont les sens. C'est le rite d'union à travers les "trois expansions" - vin, viande, sécrétions sexuelles.
Dans le Tantra traditionnel, les chakras ne sont donc pas des centres vibratoires, mais des panthéons de divinités, de Mantras. Et dans le Tantra secret, ce sont les organes des sens éveillés par le désir.
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