Ne pas savoir engendre l'angoisse. Il y a tant de choses que je ne sais pas. Chercher à savoir exprime, en partie, un besoin de sécurité, de quiétude. C'est un besoin inné, l'expression d'un instinct naturel.
Selon leurs capacités individuelles, les humains satisfont ce besoin par des apparences de savoir, car l'apparence est plus accessible que la réalité. Je ne sais pas, je suis inquiet, je cherche donc des opinions pour me donner un sentiment de savoir, de contrôle, de quiétude relative.
Or, ces opinions, je suis incapable de les justifier. Ne sachant plus à quel saint me vouer, je me fie aux apparences, aux rumeurs, à la réputation, au charisme, aux modes, aux opinions des gens en qui j'ai confiance. Des aveugles s'accrochent à des aveugles...
Satisfaire mon besoin de savoir par des croyances que je ne maîtrise pas, ne peut donner qu'une illusion de maîtrise. J'ai beau clamer que je sais, que j'ai compris, reste que je me ment en partie à moi-même, car je sais que je ne peux justifier mes croyances. La terre est peut-être bien ronde mais, tant que je ne peux le justifier, cela n'est pour moi qu'une opinion.
Et c'est bien le problème, dans un monde où les connaissances augmentent à chaque instant. L'horizon du savoir maîtrisé recule et s'éloigne toujours plus. Même un spécialiste ne peut plus maîtriser son domaine.
Alors je me sens coincé : je me réfugie dans des pseudo-savoirs, des croyances en partie vraies, mais simplistes, qui m'induisent en erreur par ce qu'elles ont de vrai. Je voyais ce matin une publicité pour la "numérologie karmique tibétaine". Ce sont des illusions de savoir. Et une illusion de savoir ne peut procurer qu'une illusion de sécurité.
Donc ces solutions n'en sont pas, même si je suis dans la confusion et l'urgence.
Alors que faire ? Deux choses au moins.
Premièrement, il est possible de savoir, même si ce savoir n'est pas complet. Il y a une hiérarchie des savoirs. Tous n'ont pas la même importance. Et je peux apprendre à penser. La logique existe. Il y a des "manuels d'auto-défense intellectuelle". La raison est une faculté naturelle, mais chacun doit apprendre à s'en servir, sans quoi il restera faible et dépendant. De cette manière, je peux apprendre peu à peu à former mon jugement, plus riche, plus nuancé, plus objectif, moins partial, moins exposé aux sophismes et autres manipulations ou erreurs.
Deuxièmement, je peux plonger dans la vibration du cœur. Là, je goûte un savoir. Un savoir muet, certes, sans mots. Mais un savoir complet. Là, je sais en sentant. Je sais tout. Sans pouvoir extraire les détails, c'est vrai. Mais je sais. Et cela me rassure. Il y a dans la vibration du cœur un savoir. Indifférencié, mais un savoir. Et comme tout savoir, ce savoir est rassurant, apaisant. Il me dit, sans mots, que tout ira bien. Voilà le savoir essentiel, bien plus important que tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux ! Voilà le savoir ésotérique, secret. Intime, mais négligé par manque d'audace, de foi et de curiosité. De cet esclavage, de ce complot, je suis le complice. Je suis mon propre tyran, mon propre libérateur.
Et je pense que ce savoir intuitif est totalement compatible avec la connaissance rationnelle. Ce qui me rassure encore plus. Les limites du savoir ne sont plus source d'angoisse, mais d'émerveillement.
Intuitivement, je sais déjà tout.
Discursivement, je n'en finirai jamais de savoir davantage et mieux.
Et c'est bien ainsi.
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