samedi 23 mai 2020

Infiniment infini

Saint-Sulpice n'est pas seulement le nom d'une église parisienne
à l'esthétique un peu lourde.
C'est aussi le nom d'une organisation catholique fondée par Jean-Jacques Olier
au XVIIe siècle.
Il fut animé par une vie intérieure intense,
manifestée notamment dans une écriture abondante.



Voici un passage, publié il y a quelques années, où 
Olier propose une méditation sur les attributs divins en nous,
une pratique intermédiaire entre la méditation mentale
et la contemplation silencieuse :

"L'éternité est une infinité de Dieu ;
l'immensité en est une autre.
La connaissance et l'amour en sont d'autres.
Tout est infini en Dieu,
et Dieu de la sorte est infiniment infini,
parce que Dieu a en lui des qualités et des perfections
qui sont infinies en nombre (et plus que les grains de sable de la mer),
quoique pourtant nous n'en voyions qu'un certain nombre
qui se compte par les théologiens.
Dieu a donc en lui des perfections et qualités divines et adorables
qui sont infinies en nombre, et, outre cela,
chacune de ses perfections est infinie.
C'est tout de même que s'il y avait un soleil infini,
dont les rayons fussent infinis en nombre,
et chacun par-dessus serait infini en soi ;
dans toute manière ce soleil serait infiniment infini en soi,
et serait comme incompréhensible.
De même en est-il de Dieu, il est infini en lui-même.
Il a en lui des perfections infinies en nombre,
et chaque perfection est infinie en elle-même,
et elle infiniment infinie,
et ainsi il est incompréhensible à la pensée de tous les hommes."

(L'âme cristal, pp. 143-144)

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la théorie du "tout est en tout" (sarvam sarvamayam) que l'on trouve en Inde.
Une différence est que le bouddhisme applique ces mêmes
raisonnements au monde et à toutes choses,
comme dans les passages célèbres et vertigineux du Soûtra de Vimalakîrti
et à la fin de la quête de Soudhâna, dans le Ganda Vyoûha Soûtra. D'ailleurs, c'est là un trait général du bouddhisme : au lieu d'appliquer les raisonnements transcendants à l'absolu seul, il les applique également aux phénomènes. Et inversement. Alors que le Védânta dit que le monde n'est "ni être, ni non-être", mais que l'absolu est "être", le bouddhisme affirme que l'absolu est, lui-aussi - quoique dans
des sens un peu différent - "ni être, ni non-être". Le Yoga selon Vasishta, fortement inspiré par le bouddhisme, bien qu'il ne soit pas bouddhiste, adopte cette même rhétorique, qui présente
l'avantage de faciliter la compréhension de la non-dualité de l'absolu et des phénomène - puisque qu'on leur applique le même langage.

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