mardi 18 mai 2021

Le Jeu de la conscience - 01



Voici une traduction d'il y a quatre ans, avec son commentaire d'alors :

 La philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ en sanskrit)

n'est pas une philosophie parfaite.

Je n'en suis pas l'adepte inconditionnel,

dont la mission serait de la propager.

Mais je trouve, après un temps de réflexion,

qu'elle est digne de servir de matrice à ma réflexion,

et à celle de celles et ceux que cela intéresse.

Voilà pourquoi je partage ses textes depuis quelques années.


L'un des textes les plus puissants de la Reconnaissance

est Le Coeur de la Reconnaissance, dont j'ai publié une traduction

sous le titre Au Coeur des tantras.

C'est un ensemble de vingt aphorismes expliqués,

le tout composé par Kshémarâdja, le disciple

et cousin, semble-t-il, du philosophe le plus célèbre 

de la Reconnaissance, Abhinava Goupta.


Ce Cœur de la Reconnaissance, aussi connu sous le nom 

de Soûtras de la Shakti, transmet l'essentiel de cette philosophie tantrique

et non-dualiste, originale et profonde.

L'un de ses aspects les plus séduisant est sont incomplétude :

elle ne répond pas à toutes les questions que l'on pourrait

légitimement se poser,

et ainsi elle appelle de notre part une réflexion personnelle,

nouvelle, sur des questions qui n'ont pas pu être développés

par les Auteurs fondateurs, où qui n'avaient pas de sens pour eux,

ou qui n'existaient pas à leur époque.

En tous les cas, il est toujours passionnant, à mon sens,

de continuer une pensée.

C'est l'essence de la tradition, qui est toujours une transmission.

Autrement, tout cela ne serait qu’érudition

et pur travail de bénédictin.


Or, il existe 

un petit poème,

Le Jeu de la conscience,

qui a été publié notamment à partir de manuscrits

de la bibliothèque de Bénarès,

et qui est une version 

du texte de Kshémarâdja.

J'en avais publié une traduction sur mon site,

puis je l'avais retirée.

Voici un nouvel essai de traduction.

Chaque article comportera un verset,

avec un libre commentaire.


En toutes circonstances,

je salue Shiva,

lui qui déploie à chaque instant

les cinq actes (: création, maintient, résorption, voilement et dévoilement),

lui qui (fait tout cela) pour finalement

en révéler le sens ultime,

à savoir, notre propre Soi (qui est Shiva),

et qui est, de bout en bout,

plaisir, (c'est-à-dire) conscience. 1


Shiva est synonyme de "Dieu",

tout simplement.

Saluer Dieu, lui rendre hommage,

ça n'est pas seulement reconnaître l'Autre,

mais c'est le reconnaître en soi,

dans le Soi.

Et qu'est-ce que le Soi ?

Le Soi est la conscience.

Et qu'est-ce que la conscience ?

La conscience est "plaisir" (ânanda),

que l'on traduit parfois par "félicité",

terme un peu terne pour décrire 

ce qui expansion créatrice,

déploiement de soi, extase et qui,

finalement, est identique à la conscience.

La conscience est expansion,

l'expansion est plaisir.

Ces mots sont interchangeables.

La conscience est "être" ;

mais être, c'est un plaisir.

Même dans la douleur

gît un plaisir brut,

dont la douleur est le prolongement grossier.

Pourquoi grossier ?

Parce que d'habitude,

nous ne faisons pas attention

à ce plaisir subtil sous-jacent,

à cette vibration qui ne fait qu'une

avec notre être,

avec le fait d'être.

Ainsi, rendre hommage au divin créateur,

c'est reconnaître ce Fond présent en toute expérience,

ou plutôt en qui toute expérience

a son être et sa vie propre.

Comme des poissons dans l'eau,

nous ignorons ce qui nous est le plus proche.

Mais, dira-t-on, cette "vie" n'est pas que création

dans l'extase, loin de là !

N'est-elle pas aussi destruction,

mort et disparition de toutes choses 

dans le Ventre insatiable du temps ?

Mais alors, quoi bon tout cela ?

La Reconnaissance ne donne pas de réponse

détaillée, sous la forme d'une histoire.

Mais elle pointe vers la réponse 

qui est le cœur palpitant de nos vies

en quête de sens. 

Car ce sens de la vie,

nous ne pouvons le formuler.

En effet, cela reviendrait à justifier

l'existence du Mal,

la souffrance des enfants et toutes ces choses.

Justifier le Mal, n'est-ce pas

le pire des maux ?

La Reconnaissance se contente de pointer vers la réponse :

dévoilement.

Mais c'est une réponse vague,

un mystère, pas un point final.

C'est un sens ultime, à vivre,

juste pour nous donner la force de vivre,

nous reconnecter à la Source,

et trouver l'inspiration de trouver les réponses

à chaque situation, à chaque question précise.

Ainsi, nous connaissons la fin ultime de l'Histoire,

mais il ne nous est pas donné de trouver LA Réponse

absolue qui serait la solution à toutes

les questions que l'on peut se poser.

Mais en se connectant avec ce Sens absolu,

avec ce Sens ressenti par chaque corps

parce que ce Sens ne fait qu'un avec la Vie ressentie,

nous pouvons trouver les réponses à nos questions.

Ainsi, nous savons déjà tout,

en un sens. 

Nous sentons la Réponse à toutes les questions

quand nous sentons notre être,

le plus profond de nos entrailles.

En même temps,

nous devons toujours chercher

le sens de ce qui arrive ici et maintenant.

Ce paradoxe est très profond.

Je sens au fond de moi la Réponse,

comme une intuition,

obscure et lumineuse à la fois,

que je ne peux dire,

mais aussi que je ne peux m'empêcher

de vouloir dire.

Transcendant,

j'aspire à l'incarnation.

Universel,

je désire le singulier.

Transpersonnel,

je veux le personnel,

l'éternité dans un instant,

l'océan dans une goutte.

Je désire l'impossible.

Ce désir est l'absolu,

nommé "liberté" dans le prochain verset.

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