samedi 20 juillet 2019

D'où vient la connaissance ?

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A première vue, il y a trois sources de connaissance :
la perception directe ; l'inférence ; le témoignage.

La perception est le premier moyen et, semble-t-il, le plus fort, en ce sens que les deux autres dérivent de la perception. Sans perception, il n'y a ni idées ni aucune autre sorte de connaissance. Il est alors tentant d'identifier la perception à la conscience, à l'intérieure de laquelle évoluent les autres sortes de cognitions - inférence et témoignage. Opinion séduisante.

Mais la tradition du shivaïsme du Cachemire et d'autres font remarquer que, même si la perception est première, elle est limitée. Quand je vois la fumée sur la colline, là-bas, je ne vois pas tout. Je dois alors faire appelle à mes souvenirs et à mes habitudes pour inférer que le feu, que je ne perçois pas, est la cause de la fumée que je vois. L'inférence permet donc de dépasser les limites de la perception. Mais l'inférence elle-même est limitée pusiqu'elle est basée sur des perceptions limitées. Parfois, il faut se fier à des experts ou à des gens qui en savent plus que nous : c'est le témoignage "digne de foi" (âpta). On peut vérifier la validité de ce moyen de connaissance en mettant en pratique ce témoignage, par exemple si je cherche des mangues et que l'on m'assure qu'il y a des mangues sur le bord de la rivière au Nord du village. La connaissance révélée, religieuse, semble être de ce genre. Elle dépasse à la fois les limites de la perception et celles de l'inférence, laquelle est aussi limitée, dans la mesure où elle se base sur des perceptions limitées.

En ce sens, le moyen de connaissance le plus fort semble être le témoignage. Mais d'un autre côté, il ne fait que compléter la perception et l'inférence. C'est pourquoi le Véda, le Savoir révélé, n'enjoint à personne de respirer, par exemple. Car c'est la nature (perception et inférence) qui nous enseigne qu'il faut respirer pour vivre. De plus, les textes religieux se contredisent et souvent ne peuvent, même si on y adhère, être vérifiés qu'après la mort. Cela peut poser problème.

Pour ma part, je trouve fascinante la définition du témoignage et de la "révélation" dans le shivaïsme du Cachemire. Au lieu de réduire le témoignage à une forme de connaissance extérieure, fut-elle une connaissance sacrée et révélée par un être supposé divin, Outpala Déva, le grand philosophe de la Reconnaissance, nous invite à reconnaître dans la Révélation (âgama, synonyme de tantra) une sorte d'intuition divine, vimarsha, d'intelligence innée, pratibhâ. La Révélation serait alors le savoir instinctif que nous portons tous au fond de nous sans vraiment le reconnaître. Les religions n'en seraient que des expressions extérieures, fragmentaires et plus ou moins déformées par la peur de la vie, puisque la conscience s'effraie elle-même.

Le shivaïsme emprunte cette idée de la Révélation comme intelligence innée, universelle et instinctive, à un philosophe peu connu, Bhartri Hari, une sorte de grammairien (!) non-dualiste, un penseur qui a cherché à bâtir une interprétation des Oupanishads en s'appuyant sur la notion de parole. Son commentateur, peut être un cachemirien, dit :

"Les sages visionnaires (rishis) qui ont l'intuition directe du cosmos voient les versets sacrés [du Véda]. Ils contemplent la Parole subtile, éternelle, au-delà des sens. Comme ils désirent la faire connaître aux autres, qui n'ont pas l'intuition directe du cosmos, il [en] transmettent une image." (Vâkya-padîya-vritti I, 5)

Les religions seraient ainsi des reflets, des images, des représentations de la Parole, laquelle n'est autre que l'intuition indicible qui ne fait qu'un avec la conscience, avec l'existence.

Quand cette connaissance brille à travers les cinq sens, on l'appelle "perception" ; quand elle se manifeste à travers une succession de perceptions et de non-perceptions, on la nomme "inférence". Il n'y a donc qu'une seule source de toutes les connaissances, car il n'y a qu'une connaissance qui se manifeste en différentes circonstances, comme un cristal assume différentes couleurs quand on le pose sur des étoffes aux teintes multiples.

Le Véda est une image de l'unique connaissance. Le Tantra en est une autre. De même pour tous les autres savoirs, même très limités. De même, enfin, pour chacune de nos expériences. C'est le grand Tantra, la grande continuité, le large torrent des reflets qu'exhibe librement la conscience pour se réaliser encore et encore. 

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