mercredi 17 juillet 2019

Le ciment des choses - miracle de l'ordinaire



Je vois cette tasse. Puis ces mots que j'écris.
Vous les voyez aussi.
Cela semble banal, n'est-ce pas ?
Et pourtant, c'est un miracle incroyable.
Cette petite chose banale engage les mystères les plus profonds.

Pourquoi ? Parce que certaines personnes n'y arrivent pas, ou plus. Quand elles voient, elles n'arrivent plus à voir que des fragments, mais plus de chose unifiée. Par exemple, la couleur de la tasse, tel motif sur elle. Mais pas de tasse. Ou des lettres, mais pas de mot. Cela s'appelle la simultanognosie, l'incapacité d'unifier les éléments de la perception. 

Ce trouble se manifeste parfois chez les gens "normaux" quand ils sentent qu'ils se perdent dans les détails. La faculté de synthèse perd soudain sa force et on ne voit plus que des lettres ou des mots, par exemple, sans plus se sentir capable de percevoir le sens global. Il n'y a plus de fil directeur, le ciment des choses semble s'être dissout.

On s'en rend également compte quand on essaie de créer des logiciels qui doivent reconnaître les formes. Pour nous, l'unité de la tasse, sa séparation d'avec le reste, semble aller de soi. Mais c'est très complexe. Où commence la tasse dans mon champ perceptif ? Où finit-elle ? Ce motif, là, en fait-il partie, ou bien est-il sur la nappe ? Comment savoir ? 

Cela ne nous demande pas d'effort parce que notre cerveau est en bon état. Il "filtre" correctement la masse gigantesque de données que les sens lui transmettent à chaque instant. Ce filtre est, selon la philosophie de la Reconnaissance, constitué de trois pouvoirs indispensables pour vivre normalement : la perception, la mémoire et l'oubli. Et il y a aussi la synthèse, le pouvoir d'unifier des des détails perçus pour en faire "une chose". Sans cela, c'est le chaos. Nous ne pouvons plus "lire" le livre du monde.

Ce pouvoir d'unifier prouve que la conscience est plus que ce qui est perçu ou pensé. Elle unifie et sépare les détails, parce qu'elle est libre.

Ainsi, même l'expérience la plus banale est l'occasion de réaliser le miracle de la conscience, ce pouvoir unique de relier les choses, ce pouvoir en lequel baigne toute chose, mais qui transcende toutes les choses. C'est un ressenti viscéral, en même temps qu'un silence vivant. C'est le miracle de l'ordinaire. Reconnaître ce miracle dans l'ordinaire, c'est la reconnaissance, "source de toutes les richesses". 

Joie de sentir ce pouvoir, ce frémissement silencieux et assourdissant à la fois.

Un article bien fait sur la simultanognosie, avec illustration : cliquer ici.

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