Face à l'immense azur,
les paroles de la Déesse-Espace résonnent.
Le bleu frémit, zébré de gouttelettes de vif-argent,
battant le tambour du cœur,
bam...bam...bam...
Son bourdon résonne dans le vaste intervalle
entre mes oreilles, HRÎM.
Sa présence éclate, à nu, A.
Au centre de l'espace, les clochettes des chèvres,
ding...ding...ding...
En sanskrit, elle est appelée Vyoma-vâmâ-îshvarî, "la Maîtresse qui Vomit (toutes choses) dans l'espace (de la conscience)".
Elle est la pure présence qui brille, dénudée, entre les pensées ;
le ciel limpide qui fulgure entre les nuages ;
l'énergie qui scintille clairement entre la fin d'un expir et l'inspir suivant.
Vyoman est le ciel, l'espace, le vide, le centre et la source, l'image de la Déesse, l'objet de la contemplation de Shiva (shiva-mudrâ, bhairava-mudrâ), le support de l'émerveillement qui vous plonge sans effort dans le silence absolu.
Vâmâ veut dire "qui vomit", car tout émerge de l'espace comme d'une immense bouche, avant d'y replonger aussitôt. Cet aspect de résorption est alors "Celle qui détruit le Temps", Kâla-karshinî, Kâlî. Vâmâ veut dire aussi "gauche", "qui va à l'envers", car cette Déesse des déesses se révèle quand l'attention se retourne vers sa source, vers l'espace Qui Voit, en lequel tout apparaît et disparaît instant après instant. Elle est aussi "gauche", "sinistre", car elle est la vie qui terrorise et jette dans l'angoisse celles et ceux qui ne la reconnaissent pas, c'est-à-dire ceux qui croient être autre que la conscience universelle, séparés du monde. Elle est aussi "gauche", car elle se joue des conventions et des habitudes. Vâmâ,enfin, signifie "belle", car elle est la beauté absolue, celle qu'on ne peut oublier.
Voici les paroles que cette Sauvage imprévisible adressa au yogi Nishkriya,
tombé à terre sous le coup de la grâce,
le visage dans les cendres du cimetière de Kara Vîra
dans la cité de Mangalâ, capitale du royaume des Yoginîs,
en Oddiyâna.
Voici ces paroles de l'Espace, préservées en sanskrit dans un manuscrit unique :
madhye paśya vimarśatah | mahā-śūnyā-atiśūnyam tu kshara-akshara-vivarjitam | asparśam parama-ākāśam nirniketam niruttaram | sarva-uttīrnam anābhāsam sarvatra-avasthitam sadā | srishti-sthity-upasamhāra-kāla-grāsa-antakam param | sarva-avarana-nirmuktam sva-svarūpam sva-gocaram
"Vois et ressens l'intervalle entre les respirations !
C'est le vide ultime au-delà même du vide (et du plein).
Ni permanent, ni éphémère.
Il n'est pas une sensation, cet espace absolu.
Il n'a pas de demeure fixe.
Il n'y a rien au-dessus de lui.
Il n'est pas une réponse.
Il transcende tout, car il n'est pas un phénomène.
(Et pourtant), il est partout présent, toujours.
Il est la mort définitive (de la mort)
car il dévore le temps - naissance, vie et mort.
Il est transparent, sans voile.
Il est ce qu'il y a de plus intime,
notre propre royaume."
Autrement dit, seul ce que nous ne pouvons posséder
nous appartient réellement.
Comme dit Jean de la Croix :
"Si tu veux tout
renonce à tout".
Simple.
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