La pure présence, simple, nette, limpide, transparente,
porte plusieurs appellations dans la tradition Krama :
sceau de Shiva (shambhavî), geste secret (rahasya), posture céleste (divya), regard divin (divya), visage de Bhairava, bouche bée (cakita), le baiser (cumbaka).
Le plus étonnant est "émerveillement" (vismaya). L'étonnement est l'essence d'être conscient. Être conscient, c'est être étonné. De quoi ? D'être conscient, ou d'être, ce qui revient au même. C'est s'émerveiller et se délecter d'être : camatkâra. En hindi moderne, cette expression désigne le miracle, ce qui laisse bouche bée, sans rien à quoi se raccrocher. Car exister est un miracle. Littéralement, camat-kâra veut dire "faire miam". Ou "slurp". La délectation d'exister.
Dans la tradition Krama, c'est le geste secret par lequel nous invitons la Grande Inopinée (sâhasâ) à nous envahir (âvesha). Dans cette approche, la grâce, c'est se laisser posséder comme on se laisse prendre par la colère. C'est perdre le contrôle. Ainsi a lieu la transmission (samkramana) des yoginîs, qui est ici la véritable initiation.
Ca n'est pas méditer, se concentrer et recevoir la grâce par mérite. Non, c'est juste se laisser faire. Comme un voyage chamanique, un état d'hypnose. Son essence, sa moelle, sa substance est "une explosion naturelle" (akritaka-sphâra), un feu d'artifice sans artifice. Une simple présence caressée par les sensations tactiles.
C'est encore "le grand émerveillement" (mahâ-vismaya), "la
pénétration en notre essence en sautant vers le haut, au-delà, sans plus aucun ego limité, sans plus de fierté mal placée ou bien placée, quand l'arrogance a disparue" (Ananta Shakti, Explication des Soûtras du Maître Fou, 13).
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