mercredi 28 août 2019

Le grand jeu


yathā nirargalasvātmasvātantryāt parameśvaraḥ |
ācchādayennijaṃ dhāma tathā vivṛṇuyād api ||

"Le Maître des maîtres se cache parce qu'il est absolument libre en lui-même, sans aucune limite. 
De la même manière, il peut révéler sa gloire."

Tout est dit dans ce verset qui résume le chapitre XI de L'Essence des tantras. Si tout est le libre jeu d'un être souverain, alors tout est possible. On peut encore parler de "Dieu" et de "grâce", mais dans un sens nouveau. En tous les cas, aucune oeuvre ne peut forcer ce dévoilement. Aucun vice ne peut l'empêcher. N'est-il pas évident que l'ignorance elle-même fait partie de Grand Eveil ? Chaque être est sur la voie, parce qu'il est arrivé au terme depuis le commencement. 
Pour ma part, je trouve que tout cela invite à une vision libérale et moderne de l'Histoire et des êtres, comme du reste le pensaient le maître cachemirien Baljin Nâth Pandit, ainsi que son maître, Amrita Vâgbhava, dont j'ai traduit plusieurs œuvres.

"Laissez-moi vous parler de ce remède complet qu'est la tradition jaillie de la bouche de Shiva. Elle est la source qui neutralise la paralysie engendrée par l'infusion du poison de l'égarement :
Dieu est libre. Il est la conscience. Il est spontanément manifestation (des mondes et des êtres). Quand il joue à se cacher, il devient la multitude des individus (anu). Librement, il se lie lui-même par des actes qui sont des concepts, des constructions. La majesté de sa liberté est telle que, même individualisé, il ressent à nouveau son essence transparente."

La Lumière des tantras, XIII, 102-105

C'est une belle fresque peinte ici par Abhinava. 
Notez qu'elle peut avoir un sens même si l'on prend "Dieu" comme étant l'énergie-matière telle que nous la dévoile la science moderne. Cependant, "conscience" convient sans doute mieux. 
L'intérêt de cette approche est d'être inclusive sans être égalitariste. Chacun est une personnage joué par le Mystère. Mais comme le Mystère est souverain, tout est possible. Nul n'est prisonnier d'une essence éternelle, sauf, justement, de cette essence qui est liberté absolue. Il y a donc à la fois une essence éternelle et un devenir où tout est possible. Ce qui fait penser à l'Histoire.
Abhinava ne pensait pas à l'Histoire. Pour lui, il n'y avait que des cycles allant se répétant, bien que je n'en soit pas absolument certain. En tous les cas, il est intéressant de voir que cette vision ouvre sur une évolution possible. Je pense que ça n'est pas un hasard si, dans l'Inde moderne, les penseurs de l'évolution spirituelle (Aurobindo, Ganapati Muni, etc.) ont été à la fois en contact avec des idées du Tantra non-duel et avec la philosophie de Hegel.
Il reste que ce genre de thèse, enthousiasmante au premier abord, peut légitimer toutes sortes d'entreprises politiques plus ou moins dangereuses. C'est peut-être ce qui a retenu un Ramana de suivre Ganapati.
En tous les cas, il me semble que la philosophie de la liberté de la conscience n'est pas incompatible avec une réflexion politique, disons, libérale.'ai traduit et publié des œuvres.

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