Rien n'est tel qu'un archet posé sur une corde. Le bois résonne et se donne, sans le vouloir pourtant. Le corps qui s'en empare semble être doué d'un insondable pouvoir d'initiative. De quoi est-il le prolongement ? De qui est-il le bras ? Ce geste, où commence-t-il ? Dans quelle obscure marmite ? Je la cherche sans la trouver, cette source, pourtant intime. Trop, peut-être. Je ne sais pas parce que j'en sais trop. Je ne sais pas par excès de proximité, par étreinte achevée. Quand je dis que je ne sais pas, je nage en elle comme l'éponge palpite au centre des eaux. Les algues nous confient le même secret que les instruments et que toutes choses qui n'ont pas été corrompues par le négoce. Elles dansent sans s'émouvoir, les jambes en étoile autour d'une impalpable viole.
Rien de tel qu'une torsade de poils sur un boyau. Cette retenue, lutte inégale, pleine d'aspérités, à-coups violents qui ne finissent que dans la séparation. Âpres confrontations quand les viscères ne veulent pas glisser dans l'écrin. Cela se ressent jusque dans la magie finale de leur agonie. Et pourtant, l'harmonie est là, qui entre en nous comme une coulée de champagne dans quelque gosier asséché.
La musique est une surprise continuée. Son miracle est celui de la tension qui emporte pour enfin dénouer les vaines embrouilles. Le creux de nos âmes vibre dans ces balances fragiles, dans ces écarts entre deux sons qui, pris à part, ne sont rien. Ils invoquent la solidarité des êtres. Chaque chose est un besoin. La montagne invoque la gravité qui fonde son altitude. L'eau même convoque à chaque instant la cohésion qui fait sa fluide matière.
La musique est tout : c'est pour cela que tous l'adorent comme l'ultime fil qui retiennent les rayons à leur soleil. La table d'harmonie est lisse à l'endroit, rugueuse au revers. Image du monde que cette ombre bien cachée, qui pourtant fait tout le sel des sons. En cette grotte est allée se cacher l'âme des guerres qui font chœur autour de je ne sais quelle chefferie mystérieuse.
Masse d'air serrée contre le ventre,
orage blotti dedans les vallées de la montagne,
il n'y a que le vide pour commander
et faire entendre ainsi les corps sondés.
Bravo, David Dubois. La violoncelliste vous remercie.
RépondreSupprimerCécilia Tsan