L'acte mystique - se laisser emporter par la vibration du cœur, tout simplement - est l'essence de tous les actes bons, beaux et justes, de tout ce que l'on appelait autrefois les "vertus".
Un moine français, Maur de l'Enfant Jésus, nous rappelle d'abord que cet acte, nommé aussi "contemplation", est un silence, mais un silence savoureux, un silence de plénitude. En lui, on se sent incapable d'agir, mais par excès et non pas à cause d'un manque :
"Cette impuissance d'agir [que l'on ressent alors] vient plutôt d'abondance et de plénitude, que de privation et de disette." Ce vide accueille les débordement de l'amour divin.
Ensuite, "on ne s'aperçoit plus que d'une lumière universelle, qui fait connaître une bonté infinie."
Dans cette connaissance amoureuse ou amour pénétré de science divine, l'âme
"ne voit plus qu'une simple vérité ou lumière, et ne goûte plus qu'un simple et unique bien ; aussi ne faut-il qu'elle n'ait pour tout acte qu'une simple attention vers cette vérité, et qu'une simple inclination vers cette unique bonté, qu'elle ne doit plus regarder hors de soi ; mais elle doit contempler et aimer en soi-même, comme son unique félicité, oubliant toutes choses pour prendre en elle son seul plaisir, et pour se transformer en elle autant que la faiblesse et l'infirmité humaine le pourra permettre. Il faut dire de même des attributs divins, des illustrations admirables, des lumières, des sublimes intelligences, des profondeurs et de tout ce qu'on saurait dire et penser de distinct de la divine Essence, au moins selon notre concept ; car il faut désormais regarder tout cela comme un dans cette même Essence divine, par un simple regard actuel qui suit en tout cet état, comme la vie de notre âme."
Autrement dit, cette vibration du cœur, contemplée comme vérité et ressentie comme bonté, est simple. De sorte qu'il n'y a pas besoin de contempler ni de ressentir autre chose. De plus, cet amour véritable est "en soi", et il est vain de le chercher au-dehors.
Et donc, attendu que cette vérité bonne est en soi et qu'elle est absolument simple, "il n'est point besoin de sortir de cette simple contemplation pour réfléchir sur les effets particuliers de l'amour de Dieu envers les hommes, puisqu'on les comprend dans l'éminence de ce regard simple et amoureux dans leur propre cause, qui est l'amour, beaucoup plus parfaitement qu'on ne pourrait faire en les considérant eux-mêmes." En d'autres termes, inutile de chercher les effets particuliers de cet amour vrai : tous les effets désirables sont contenus dans l'amour vrai lui-même, comme les rayons sont dans le soleil. Et donc, au lieu de nous disperser dans la considération de ses effets, restons recueillis dans la contemplation simple de cette Source de tous les dons, source qui est en nous, qui n'est jamais séparée de nous, même quand nous nous détournons d'elle par notre libre-arbitre.
Maur s'appuie ici sur la distinction platonicienne entre deux formes de connaissance : la connaissance discursive (dianoia), qui regarde un à un les aspects de la vérité, comme les facettes d'un diamant ; et l'intellect (noesis) qui contemple simultanément, hors du temps donc, toutes ces facettes.
Extraits : Sanctuaire de la divine sapience, de Maur, pp. 116-117
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